Page:Sand - Valvèdre.djvu/297

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Ilion, ma patrie que j’ai perdue ! » Non ! je ne reviendrai plus sur mes pas, et, puisqu’il est dans ma destinée de mal comprendre les devoirs de la famille et de la société, au moins j’aurai consacré ma destinée a l’amour ! N’est-ce donc rien, et celui qui me l’inspire ne s’en contentera-t-il pas ? Si cela est, si pour toi je suis la première des femmes, que m’importe d’être la dernière aux yeux de tous les autres ? Si mes torts envers eux me sont des mérites auprès de toi, de quoi aurais-je à me plaindre ? Si l’on souffre là-bas et si je souffre de faire souffrir, j’en suis fière, c’est une expiation de ces fautes passées que tu me reprochais, c’est ma palme de martyre que je dépose à tes pieds.

Une seule chose peut m’excuser d’avoir accepté le sacrifice de cette femme passionnée, c’est la passion qu’elle m’inspira dès ce moment, et qui ne fut plus ébranlée un seul jour. Certes, je suis bien assez coupable sans ajouter au fardeau de ma conscience. Ma fuite avec elle fut une mauvaise inspiration, une lâche audace, une vengeance, ou du moins une réaction aveugle de mon orgueil froissé. Meilleure que moi, Alida avait pris mon dévouement au sérieux, et, si sa foi en moi fut un accès de fièvre, la fièvre dura et consuma le reste de sa vie. En moi, la flamme fut souvent agitée et comme battue du vent ; mais elle ne s’éteignit plus. Et ce ne fut plus la vanité seule qui me soutint, ce fut aussi la reconnaissance et l’affection.

Dès lors il se fit une sorte de calme dans notre vie,