Page:Sand - Valvèdre.djvu/300

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cherai dans la maison de campagne de Moserwald. Tu passeras trois jours, huit jours si tu veux, avec tes enfants, et nous nous sauverons de nouveau ; puis, quand tu sentiras le besoin de les embrasser encore, nous repartirons pour Genève. C’est absolument la vie que tu aurais menée, si tu étais retournée à Valvèdre. Tu aurais été les voir deux ou trois fois par an. Ne pleure donc plus, ou ne me cache pas tes larmes. J’avoue que je suis content de te voir pleurer, parce que, chaque jour, je découvre que tu ne mérites pas les reproches qu’on t’adressait, et que tu es une aussi tendre mère qu’une amante loyale ; mais je ne veux pas que tu pleures trop longtemps quand je peux d’un mot sécher tes beaux yeux. Viens, viens ! partons ! Ne recommence pas tes lettres. Tu vas revoir tes amis, tes fils, tes sœurs, et Ilion que tu m’as sacrifiée, mais que tu n’as pas perdue !

Elle refusa, sans vouloir s’expliquer sur la cause de son refus. Enfin, pressée de questions, elle me dit :

— Mon pauvre enfant, je ne t’ai pas demandé avec quoi nous vivions et où tu trouvais de l’argent. Tu as dû engager ton avenir, escompter le produit de tes futurs succès… Ne me le dis pas, va, je sais bien que tu as fait pour moi quelque grand sacrifice ou quelque grande imprudence, et je trouve cela tout simple venant de toi : mais je ne dois pas, pour mes satisfactions personnelles, abuser de ton dévouement. Non, je ne le veux pas, n’insiste pas, ne m’ôte pas le seul mérite que j’aie pour m’acquitter envers toi. Il faut