Page:Sand - Valvèdre.djvu/329

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morte. Il reprit à son doigt l’anneau nuptial qu’elle avait cessé longtemps de porter, mais qu’elle avait remis la veille ; puis il sortit, il tira derrière lui les verrous du salon, et nous cacha le spectacle de sa douleur.

Je ne le revis plus. Il parla avec Moserwald, qui se chargea de remplir ses intentions. Il le priait de faire embaumer et transporter le corps de sa femme à Valvèdre. Il me demandait pardon de ne pas me dire adieu. Il s’éloigna aussitôt, sans qu’on pût savoir quelle route de terre ou de mer il avait prise. Sans doute, il alla demander aux grands spectacles de la nature la force de supporter le coup qui venait de déchirer son cœur.

J’eus l’atroce courage d’aider Moserwald à remplir la tâche funèbre qui nous était imposée : cruelle amertume infligée par une âme forte à une âme brisée ! Valvèdre me laissait le cadavre de sa femme après m’avoir repris son cœur et sa foi au dernier moment.

J’accompagnai le dépôt sacré jusqu’à Valvèdre. Je voulus revoir cette maison vide à jamais pour moi, ce jardin toujours riant et magnifique devant le silence de la mort, ces ombrages solennels et ce lac argenté qui me rappelaient des pensées si ardentes et des rêves si funestes. Je revis tout cela la nuit, ne voulant être remarqué de personne, sentant que je n’avais pas le droit de m’agenouiller sur la tombe de celle que je n’avais pu sauver.