Page:Sand - Valvèdre.djvu/331

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pas oublier que, le jour où je l’avais enlevée, j’avais obéi à l’orgueil et à la vengeance plus qu’à l’amour. Ce retour sur moi-même consternait mon âme. Je n’étais plus orgueilleux, hélas ! mais de quel prix j’avais payé ma guérison !

Avant de quitter le voisinage de Valvèdre, j’écrivis à Obernay. Je lui ouvris les replis les plus cachés de ma douleur et de mon repentir. Je lui racontai tous les détails de cette cruelle histoire. Je m’accusai sans me ménager. Je lui fis part de mes projets d’expiation. Je voulais reconquérir, un jour, son amitié perdue.

Je mis trente heures à écrire cette lettre ; les larmes m’étouffaient à chaque instant. Moserwald, me croyant parti, avait repris la route de Genève.

Quand j’eus réussi à compléter et mon récit et ma pensée, je sortis pour prendre l’air, et insensiblement, machinalement, mes pas me portèrent vers le rocher où, l’année précédente, j’avais déjeuné avec Alida, active, résolue, levée avec le jour, et arrivée là sur un cheval fier et bondissant. Je voulus savourer l’horreur de ma souffrance. Je me retournai pour regarder encore la villa. J’avais marché deux heures par un chemin rapide et fatigant ; mais, en réalité, j’étais encore si près de Valvèdre que je distinguais les moindres détails. Que je m’étais senti fier et heureux à cette place ! quel avenir d’amour et de gloire j’y avais rêvé !

— Ah ! misérable poëte, pensai-je, tu ne chanteras