Page:Sand - Valvèdre.djvu/34

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excédant sérieusement tes ressources, adresse-toi à moi, et jamais à ce Moserwald. Jure-le-moi, je l’exige.

Je fus surpris de la vivacité d’Obernay, et me hâtai de le rassurer en lui parlant de l’honnête aisance de ma famille et de la simplicité de mes goûts.

— N’importe, reprit-il, promets-moi de me regarder comme ton meilleur ami. Je ne sais quelle sera ta vie… D’après ce que tu m’as laissé entrevoir hier de tes angoisses vis-à-vis de l’avenir et de ton mécontentement du présent, je crains que les passions ne jouent un rôle trop impérieux dans ta destinée. Il ne me semble pas que tu aies travaillé à te forger le frein nécessaire…

— Quel frein ? la botanique ou la géologie ?

— Oh ! si tu railles, parlons d’autre chose.

— Je ne raille pas quand il s’agit de t’aimer et d’être touché de ton affection généreuse ; mais conviens que tu penses trop en homme de spécialité et que tu dirais volontiers : « Hors de la science, point de salut. »

— Eh bien, oui, je te dirais volontiers. J’ai la candeur et le courage d’en convenir. J’ai eu sous les yeux de tels exemples de ces fausses théories qui ont déjà troublé ton âme !…

— Quelles théories me reproches-tu ? Voyons !

— La théorie en la personnalité d’abord, la prétention de réaliser une existence de gloire personnelle avec la résolution d’être furieux et désespéré, si tu échoues.