Page:Sand - Valvèdre.djvu/359

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n’est pas un dieu, c’est un homme de bien. Je me méfierais beaucoup d’un homme qui ne pourrait pas dire : Homo sum !

— Je te remercie de me dire tout cela, d’autant plus que cela n’ôte rien pour moi à la grandeur de Valvèdre. Amoureux et jaloux, il eût pu, dans sa générosité, ne céder qu’aux faiblesses, qui sont, tout aussi bien que les violences, du domaine de la passion. Cette grande amitié compatissante qui, en lui, survivait à l’amour, ce besoin d’adoucir les plaies des autres en respectant leur liberté morale, ce soin religieux de conduire doucement à la tombe la mère de ses enfants, de sauver au moins son âme, tout cela est au-dessus de la nature humaine ordinaire, tu auras beau dire !

— Rien de ce qui est beau n’est au-dessus d’elle dans l’ordre des sentiments vrais et de la part d’une âme d’élite. Aussi tu penses bien que je ne fais plus la guerre à ton enthousiasme quand c’est Valvèdre qui en est l’objet. Te voilà rassuré sur certains points ; mais il ne faut pas aller d’un excès à l’autre. Si tu n’as pas infligé les tortures de la jalousie, tu as profondément contristé et inquiété le cœur de l’époux, toujours ami, et du père, soucieux de la dignité de sa famille. Les grands caractères souffrent dans toutes leurs affections, parce que toutes sont grandes, de quelque nature qu’elles soient. À la mort de sa femme, Valvèdre a donc cruellement souffert de la pensée qu’elle avait vécu sans bonheur, et qu’il n’avait pu,