Page:Sand - Valvèdre.djvu/36

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— Le mauvais amour, ou l’amour des romans et des drames modernes ; mais les mauvaises amours n’éclosent que dans les âmes malsaines, et, Dieu merci, la mienne est pure. La tienne est-elle donc déjà corrompue, que tu admets ces honteuses fatalités ?

— Je ne sais si mon âme est pure comme la tienne, mon cher Henri ; mais elle est vierge, voilà ce dont je puis te répondre.

— Eh bien, ne la laisse pas gâter et affaiblir d’avance par ces idées fausses. Ne te laisse pas persuader que l’artiste et le poëte soient destinés à devenir la proie des passions, et qu’il leur soit permis, plus qu’aux autres hommes, d’aspirer à une prétendue grande vie sans entraves morales ; ne t’avoue jamais à toi-même, quand même cela serait, que tu peux tomber sous l’empire d’un sentiment indigne de toi !…

— Mais, en vérité, tu vas me faire peur de moi-même, si tu continues ! Tu me mets sous les yeux des dangers auxquels je ne songeais pas, et pour un peu je croirais que c’est moi qui suis épris, sans la connaître, de cette fameuse madame de Valvèdre.

— Fameuse ! Ai-je dit qu’elle était fameuse ? reprit Obernay en riant avec un peu de dédain. Non ; la renommée n’a rien à faire avec elle, ni en bien ni en mal. Sache que les aventures qu’on lui prête à Genève, selon M. Moserwald (et je crois qu’on ne lui en prête aucune), n’existent que dans l’imagination de ce triomphant israélite. Madame de Valvèdre vit à la