Page:Sand - Valvèdre.djvu/51

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regard de femme fut si expressif, que je le sentis passer en moi, de la tête aux pieds, comme un frisson brûlant, et que je m’écriai éperdu :

— Oui, madame, oui !

Elle vit à quel point j’étais jeune et ne s’en offensa point ; car elle me demanda avec un étonnement peu marqué à quoi je répondais.

— Pardon, madame, j’ai cru que vous me parliez !

— Mais pas du tout. Je ne vous disais rien !

Et un second regard, plus long et plus pénétrant que le premier, acheva de me bouleverser, car il m’interrogeait jusqu’au fond de l’âme.

À ceux qui n’ont pas rencontré le regard de cette femme, je ne pourrai jamais faire comprendre quelle était sa puissance mystérieuse. L’œil, extraordinairement long, clair et bordé de cils sombres qui le détachaient du plan de la joue par une ombre changeante, n’était ni bleu, ni noir, ni verdâtre, ni orangé. Il était tout cela tour à tour, selon la lumière qu’il recevait ou selon l’émotion intérieure qui le faisait pâlir ou briller. Son expression habituelle était d’une langueur inouïe, et nul n’était plus impénétrable quand il rentrait son feu pour le dérober à l’examen ; mais en laissait-il échapper une faible étincelle, toutes les angoisses du désir ou toutes les défaillances de la volupté passaient dans l’âme dont il voulait s’emparer, si bien gardée ou si méfiante que fût cette âme-là.

La mienne n’était nullement avertie, et ne songea pas un instant à se défendre, Elle vit bien celle qui ve-