Page:Sand - Valvèdre.djvu/67

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mal au foie, je ne crois pas aux hommes, aux femmes encore moins ! Ah çà ! comment faites-vous pour croire aux femmes, par exemple ? Vous me direz que vous êtes jeune ! Ce n’est pas une raison. Quand on est très-instruit et très-intelligent, on n’est jamais jeune. Pourtant voilà que vous êtes amoureux…

— Moi ! où prenez-vous cela ?

— Vous êtes amoureux, je le vois, et aussi naïvement que si vous étiez sûr de réussir à être aimé ; mais, mon cher enfant, c’est la chose impossible, cela ! On n’est jamais aimé que par intérêt ! Moi, je l’ai été parce que j’ai un capital de plusieurs millions ; vous, vous le serez parce que vous avez un capital de vingt-trois ou vingt-quatre ans, de cheveux noirs, de regards brûlants, capital qui promet une somme de plaisirs d’un autre ordre et non moins positifs que ceux que mon argent représente, beaucoup plus positifs, devrais-je dire, car l’argent procure des plaisirs élevés, le luxe, les arts, les voyages… tandis que, lorsqu’une femme préfère à tout cela un beau garçon pauvre, on peut être sûr qu’elle fait grand cas de la réalité. Mais ce n’est pas de l’amour comme nous l’entendons, vous et moi. Nous voudrions être aimés pour nous-mêmes, pour notre esprit, pour nos qualités sociales, pour notre mérite personnel enfin. Eh bien, voilà ce que vous achèterez probablement au prix de votre liberté, ce que je payerais volontiers de toute ma fortune, et ce que nous ne rencontrerons jamais ! Les femmes n’ont pas de cœur. Elles se servent du