Page:Sand - Valvèdre.djvu/99

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cherchent. Ce langage n’a même pas besoin du regard pour persuader ; il est complétement inappréciable aux yeux comme aux oreilles des indifférents ; mais il traverse le milieu obscur et borné des perceptions physiques, il embrasse je ne sais quels fluides, il va d’un cœur à l’autre sans se soumettre aux manifestations extérieures. Alida me l’a dit souvent depuis. Dès cette matinée, où je ne songeai pas à lui exprimer mon repentir et ma passion par un seul mot, elle se sentit adorée, et elle m’aima. Je ne lui fis point de déclaration, elle ne me fit point d’aveux, et pourtant, le soir de ce jour-là, nous lisions dans la pensée l’un de l’autre et nous tremblions de la tête aux pieds quand, malgré nous, nos regards se rencontraient.

À la promenade, je ne la quittai pas d’un instant. Elle était médiocrement marcheuse, et, ne se résignant pas à emprisonner ses petits pieds dans de gros souliers, elle s’en allait, adroite, insouciante, mais vite meurtrie et fatiguée, à travers les pierres de la montagne et les galets du torrent, avec ses bottines minces, son ombrelle dans une main, un gros bouquet de fleurs sauvages dans l’autre, et laissant sa robe s’accrocher à tous les obstacles du chemin. Obernay allait devant avec Paule, emportés tous deux par une ardeur d’herborisation effrénée ; puis ils faisaient de longues pauses pour comparer, choisir et parer les échantillons qu’ils emportaient. Nous n’avions pas de guide ; Henri nous en dispensait. Il me confiait madame de Valvèdre, heureux de n’avoir pas à se préoc-