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Page:Sarcey - La route du bonheur, 1909.djvu/144

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la jeune fille.

troublé que par le murmure discret et plaintif de quelques mouchoirs. »

Vous pensez, cousine, que je n’eus garde, ce soir-là, de manquer au bal quotidien, afin de connaître le dénouement de l’histoire. Je vis apparaître bientôt, dans de délicieuses toilettes Pompadour, les tristes créatures, suivies de leur mère Fouettard. Toutes trois souriaient, de ce sourire de danseuse — insupportable, parce qu’il est apprêté ; les jeunes filles me semblèrent touchantes de laideur inquiète ; elles se regardèrent, tandis que l’orchestre attaquait la première valse et que tout un essaim de couples insouciants sillonnait déjà la salle des fêtes. Prenant leur courage, elles s’enlacèrent toutes deux, non pas avec la simplicité charmante d’enfants aimant la danse, mais avec des grâces étudiées, destinées à faire valoir les plis onduleux de leurs robes, la souplesse de leurs mouvements. Elles battirent des ailes avec exagération, s’alanguirent en des poses qui prouvèrent du moins l’excellence de leur couturière et la perfection de leur maître à danser. Puis, elles se rassirent un peu loin de leur mère, sans doute pour ne pas subir l’aigreur de ses reproches ; puis, très agitées, elles se relevèrent, quêtant des regards, mendiant des bouts de paroles, flairant la piste des « relations » imposées par l’auteur de leurs