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QUARANTE ANS DE THEATRE

besoin d’être nommé directeur d’une banque et la nomination dépend d’un puissant financier. Or, il se trouve que ce financier aime passionnément Ella, une jeune fille charmante, avec qui Borckman est presque fiancé. Il n’hésite pas ; il rompt le mariage projeté, afin de la laisser à son compétiteur, et il épouse la sœur d’Ella, celle qui sera dans le drame Gunhild Borckman.

Ce sacrifice tourne contre lui ; Ella ne veut point du financier, qui en conçoit un violent dépit. Borckman, dans sa rage de faire des affaires, afin de réaliser ses chimères, s’est emparé des fonds déposés dans sa banque. Il avait pour confident le financier, qui le trahit et le livre à la justice. Borckman est condamné à cinq ans de prison. Il les fait ; quand il rentre chez lui, il trouve une femme qui ne saurait lui pardonner l’écroulement de ses espérances et la honte jetée sur le nom des Borckman. Ils vivent dans la même maison, elle au rez-de-chaussée, lui au premier, solitaire, farouche, arpentant de long en large son cabinet de travail où il attend qu’on vienne le chercher, lui, l’homme de génie méconnu, pour le remettre à la tête de la banque et lui donner le moyen de régénérer l’humanité.

Huit ans se sont passés ainsi.

Pendant ces huit ans a grandi le fils de Jean-Gabriel et de Gunhild Erhardt Borckman. Il a été élevé par sa tante Ella jusqu’à l’âge de quinze ans. Ella, en effet, avait gardé sa fortune, tandis que sombrait celle de son beau-frère. C’est elle qui avait offert, dans une de ses maisons, asile à Gunhild pendant la captivité de son mari, et ensuite à Borckman quand il était sorti de prison.

A quinze ans, Gunhild avait réclamé son fils, dont elle comptait faire l’instrument de la revanche. C’est à lui qu’elle voulait confier le soin de rétablir l’honneur et la fortune des Borckman.