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ACTE TROISIÈME.

et baissant la voix.) Oui ! il s’est traîné là, pour mourir !… (Silence. — Sans le perdre de vue, s’éloignant encore, à voix basse, avec une sorte de crainte superstitieuse.) Pourquoi est-il plus grand que de son vivant ?… et plus menaçant aussi ?… Il semble qu’il va parler !… (Tournant autour du corps, à distance, et lui adressant la parole, avec un effroi qui va croissant.) Qu’as-tu à me regarder de la sorte ?… Ce qui est fait, est fait !… Tu l’as bien voulu !… Et nous sommes quittes !… Tu ferais mieux à présent de te justifier devant Dieu, que de me poursuivre encore de ta haine !… Ou si tu réclames des prières ?… Oui, tu en as trop besoin, pour que je te refuse la charité des miennes !… Mais du moins, que tout soit bien fini entre nous, et que ton souvenir ne vienne jamais hanter mon sommeil !… À ce prix !… oui, je prierai !… Tu vois !… je prie déjà pour toi !… (Tout en parlant elle a traversé la scène, au-dessus d’Orso, de droite à gauche, et tombant à genoux sur les marches du petit autel de la Madone, elle commence à prier. — À ce moment, Orso se ranime et soupire. — Cordelia se redresse, effrayée.) Qui se plaint ?

ORSO, se soulevant péniblement sans la voir et d’une voix mourante, comme quelqu’un qui a le délire.

Du secours !… À moi !…

CORDELIA, se retournant et le voyant soulevé à la clarté de la lune

Vivant !…

ORSO.

À l’aide !…

CORDELIA.

Non !… c’est le délire !… (Terrifiée.) Sainte Vierge !… va-t-il agoniser là devant moi ?…

ORSO.

Je brûle !… N’y a-t-il personne là qui m’entende !…

CORDELIA, au comble de l’épouvante, se levant péniblement pour s’enfuir.

Oh ! je ne veux pas voir cela !… c’est horrible !… À moi, Uberta !… (Elle gagne, en chancelant, le milieu de la scène.)

ORSO.

De l’eau !…