Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/254

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anciennes de la langue aucun processus, aucun phénomène qui ne soit pas constatable actuellement. Et comme le plus souvent la langue vivante ne permet pas de surprendre des analyses comme en faisait Bopp, les néogrammairiens, forts de leur principe, déclarent que racines, thèmes, suffixes, etc., sont de pures abstractions de notre esprit et que, si l’on en fait usage, c’est uniquement pour la commodité de l’exposition. Mais s’il n’y a pas de justification à l’établissement de ces catégories, pourquoi les établir ? Et quand on le fait, au nom de quoi déclare-t-on qu’une coupure comme hípp-o-s, par exemple, est préférable à une autre comme hípp-os ?

L’école nouvelle, après avoir reconnu les défauts de l’ancienne doctrine, ce qui était facile, s’est contentée de la rejeter en théorie, tandis qu’en pratique elle restait comme embarrassée dans un appareil scientifique dont, malgré tout, elle ne pouvait se passer. Dès qu’on raisonne ces « abstractions », on voit la part de réalité qu’elles représentent, et un correctif très simple suffit pour donner à ces artifices du grammairien un sens légitime et exact. C’est ce qu’on a essayé de faire plus haut, en montrant que, unie par un lien intérieur à l’analyse subjective de la langue vivante, l’analyse objective a une place légitime et déterminée dans la méthode linguistique.

B.

L’analyse subjective et la détermination des sous-unités.

En matière d’analyse, on ne peut donc établir une méthode ni formuler des définitions qu’après s’être placé dans le plan synchronique. C’est ce que nous voudrions montrer par quelques observations sur les parties du mot : préfixes, racines, radicaux, suffixes, désinences[1].

  1. F. de Saussure n’a pas abordé, du moins au point de vue synchronique, la question des mots composés. Cet aspect du problème doit donc