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Page:Savary - La Tour de la lanterne (= Les Malheurs de Liette) 2e édition - 1913.pdf/131

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LA TOUR DE LA LANTERNE.

La cicatrice, qui balafrait affreusement un des côtés du visage de Liette, la défigurait à tel point qu’elle eût été méconnaissable à ceux qui l’avaient connue jadis ; et deux ans après son accident, plus rien ne rappelait la charmante petite fille, la joie de sa famille et de ses amis.

Pauvre enfant, comme elle avait souffert ! dans quelle misère elle était tombée !

Elle recherchait la solitude pour revoir en pensée la côte ensoleillée où elle courait autrefois avec tant de bonheur, près de cette mère chérie qu’elle ne revoyait plus et dont elle ne pouvait parler à personne ; et elle pleurait ! mais elle pleurait tout bas, depuis que Mrs Moore et Edith, devenues sévères, lui avaient dit ne plus vouloir entendre ses cris de désespoir, ni répondre à ses supplications de départ.

Car les deux femmes, elles aussi, se désolaient maintenant ; les jours, les mois, les années même s’écoulaient, et John ne revenait pas.

Qu’était-il devenu ? elles n’osaient s’interroger à ce sujet, ni se faire part de leurs tourments. Edith, chaque mois, allait à la ville la plus proche du village qu’elles habitaient, porter l’ouvrage qu’elle et sa mère avaient tissé ; elle ne manquait pas à chacun de ses voyages de s’informer du William Godder, mais personne ne pouvait lui répondre et John n’avait jamais donné de ses nouvelles.

Liette ne les intéressait plus ; elle finit même par devenir odieuse à Mrs Moore, qui, par superstition, la soupçonnait d’être la cause de la disparition de son fils et ne lui pardonnait pas la ruine des espérances de fortune fondées sur elle.

« Je n’ai point été chercher cette enfant », disait avec dureté la veuve ; et puisqu’elle m’est restée sur les bras, il nous faut songer à en tirer parti. Il nous manque une aide pour les soins du ménage, Liette la sera ; il s’agit de l’y habituer.

Peu généreuse par suite des difficultés de son existence, Mrs Moore était insensible aux plaintes du cœur.

À ses yeux, la misère matérielle pouvait seule compter pour