Aller au contenu

Page:Savary - La Tour de la lanterne (= Les Malheurs de Liette) 2e édition - 1913.pdf/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
50
LA TOUR DE LA LANTERNE.

afin de lui donner le lemps de s’endormir, s’était penchée vers l’enfant pour voir si ses yeux étaient clos.

Rassurée par son immobilité, elle sortit sur la pointe des pieds, ét son bougeoir à la main, descendit rejoindre dans la grande salle à manger son mari, son père et sa mère chez elle depuis la veille.

Comme elle fermait la porte vitrée de la salle, Liette rouvrit bien vite ses grands yeux, décidée, ainsi qu’elle le faisait chaque soir, à ne s’endormir que lorsqu’elle la sentirait revenue là tout près d’elle, dans la chambre attenante au cabinet où elle couchait.

Ce soir-la, précisément, la famille veilla tard.

La lumière, qui filtrait à travers les vitres de la salle, venait éclairer en face, en traversant la cour, la fenêtre de la petite chambre de l’enfant ; elle zigzaguait sur les rideaux de son lit, comme les sauts d’un feu follet auquel son imagination, très éveillée pour son âge, prêtait une infinité de rôles.

Pour ne pas dormir, elle s’efforçait de regarder cette lumière avec persistance, et c’était la crainte, une singulière crainte, qui tenait cette enfant éveillée. Elle redoutait les ténèbres parce qu’elle avait peur que sa maman ne disparût, qu’elle lui fût enlevée tout à coup et qu’elle eût la douleur de ne plus jamais la revoir.

Ce phénomène, pensait-elle, pouvait se produire pendant son sommeil. N’était-ce pas ainsi que les choses se passaient quelquefois avec les fées et les mauvais génies ? Et, bien qu’elle ne crût que médiocrement à toutes ces merveilles, elle n’était tranquille que lorsqu’elle entendait sa grand’mère remonter et qu’elle la voyait, suivie de son grand-père, traverser sa chambrette pour entrer dans la leur. Ses yeux alors se fermaient d’eux-mêmes, pour ne se rouvrir que le lendemain matin.

Il lui arrivait aussi parfois d’être réveillée en pleine nuit par le vent des tempêtes qui faisait grincer en crécelle les girouettes, décrochait les enseignes. Ce vent appelé dans le pays, vent de Galerne, passait en gémissant, sous les portes, soufflait lugubrement sur les toits et la terrifiait dans son lit. D’autres fois, c’était le bruit lourd et retentissant sous les porches des grosses bottes