Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rustique, elle éprouvait un plaisir béat, une douce joie de vivre qui se traduisaient par un mépris averti de la « grande terre ».

— C’est certain, nous ne sommes pas malheureuses, accordait-elle. Il n’y a pas de misère ici comme sur votre continent de sauvages. Pour rien au monde, je ne voudrais quitter Ouessant. Et nous pensons toutes comme cela, à preuve que celles qui sont parties avec des étrangers sont toujours revenues… Pas étonnant : comment saurait-on vivre avec des païens ?

On lui avait démontré au catéchisme que tous les étrangers étaient des païens. En eux, elle aimait l’homme — mais elle détestait leur esprit.

— Qu’est-ce donc que les « païens », Barba ?

— Des Turcs, fit-elle résolument.

— Et les Turcs ?

— Ceux qui ne croient point en Dieu.

— C’est donc vrai, qu’il y a un Dieu ?

— Tiens, bien sûr !

— Si sûr que ça ?

Barba de Nérodynn se fâcha :

— Ah ! taisez-vous, fit-elle.

Herment s’amusait.

Mais sa fougueuse amie le regardait avec colère et inquiétude, comme un monstre. Et