Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/61

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mais, parut plus grande, plus horréfiante encore. Le Créac’h avait cessé d’exister. Et pendant leur marche hésitante jusqu’à Nérodynn, la voix, la voix énorme les accompagna. Toute la nuit, toutes les maisons de l’île, de deux en deux minutes, tressaillaient dans un tremblement convulsif. C’était la brume.


Le lendemain, ils étaient entrés chez Angèle pour prendre des nouvelles de la petite malade. L’enfant avait le croup. Elle était couchée dans le lit-clos de ses parents ; elle étouffait dans l’étroit espace. Des voisins, hochant la tête, s’étaient groupés autour du rideau entrouvert ; Angèle avait les yeux mouillés, sa mère tenait la main de l’enfant expirante et, dans la pièce voisine, le mari jouait un écarté avec le sous-officier bien aimé de sa femme.

Le jeune médecin colonial, le seul médecin de l’île, venait de partir, sans espoir, bouleversé par cette misère.

— Il y a quinze ans, dit Barba, tu n’aurais pas trouvé dans Ouessant une seule maison semblable à celle-ci… Maintenant, nous en compterions plus de vingt… et de pires, où l’on voit des choses abominables.

« Angèle a épousé un étranger et le malheur