Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/86

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De tels actes rendaient la population surexcitée et jetaient d’un excès dans l’autre. Et Rose Iliou, qui venait d’arriver, déclara que, par haine des prêtres, elle ne se marierait jamais que civilement. Elle était impie mais superstitieuse. Elle croyait aux revenants, aux « viltansou » et aux esprits familiers des ombres ; mais elle jurait avec une science consommée des plus affreux blasphèmes.

Et la vieille au caseken, qui s’était signée cent fois en entendant ces propos subversifs, l’ayant menacée de l’enfer, une prise de becs en résulta. Ce spectacle de la bonne femme secouée d’une sainte colère et qui claquait des dents en exorcisant la belle impie, était si comique que tout le monde se tenait les côtes. Jeanne et Rose se pâmaient d’aise et, lasses de mourir de rire, elles résolurent de changer d’air. Elles disparurent, follement gaies, entraînant Barba qui, du coup, en avait oublié sa complainte, suivies des regards rêveurs de Sidonie et de Louise, timorées, figées dans leur vertu. Car Sidonie était vierge encore, malgré ses vingt ans, vierge et blanche comme un lis, et Louise, sa sœur, bien que mariée, ne savait pas ce que c’était que l’amour, car elle avait épousé voici cinq ans, un marin parti deux jours