Page:Savignon - Filles de la pluie.djvu/90

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sèrent vers six heures du soir devant Men ar Froud, chacun pilotant leur barque qui se suivaient à une centaine de brasses dans le courant, Hono en premier, Coadou ensuite. Ils regardèrent Men ar Froud, et aperçurent, l’un et l’autre, la dame qui faisait des signes.

— Tu as vu ? cria Hono.

Coadou ne répondit pas. Mais il était blanc comme un suaire. Le courant les avait entraînés loin du rocher.

— Tu as vu ? cria encore Hono.

— Bien sûr, fit enfin Coadou. Elle a les seins mangés aux crabes comme les noyées, mais elle est bien vivante et ses yeux pleurent. « Parce que, expliqua Barba, c’est toujours aux seins que les poissons crochent sur les femmes, aux seins et puis au ventre après. »

Et elle dit comment Hono qui « n’avait jamais connu la peur », tira des bordées sur Bannec et revint à Pen ar Roc’h à la rame, tandis que Coadou le suivait toujours à cent brasses, s’efforçant de le retenir ; et comment, à la nuit tombante, au milieu des effrayants remous du fleuve marin, Hono, emporté par le courant, fendit l’espace et se laissa, au risque de briser son canot, jeter sur le Men ar Froud où il aborda.