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beaucoup et de qui surtout elle doit beaucoup attendre : cette école, c’est la nouvelle école autrichienne, à la tête de laquelle est le célèbre professeur Carl Menger. Cette école, à un moment donné, s’est séparée de l’école allemande ; elle a répudié et la méthode historique et la pure méthode documentaire ; elle a proclamé qu’il convient d’étudier l’homme non pas dans les manifestations extérieures mais dans les causes impulsives de son activité ; elle a réhabilité, avec un grand éclat, la méthode psychologique, et, par un retour imprévu, s’est, comme Henry George, quoique par d’autres voies, rapprochée de l’école des physiocrates, de Ricardo et de nos maîtres les plus illustres. Ce rapprochement, la science doit en tirer parti comme la France peut en tirer vanité.

Toutefois ne triomphons pas trop bruyamment. L’école française contemporaine a des raisons d’être modeste.


V


Après une période glorieuse pendant laquelle elle a jeté sur la science le plus vif éclat, l’école française, qui débute avec Quesnay, grandit prodigieusement avec Turgot, se discipline avec J.-B. Say et s’épanouit avec Dunoyer, Bastiat et Michel Chevalier, pour ne parler que des morts, cette école semble avoir aujourd’hui perdu quelque peu de sa vitalité. Elle fait encore figure dans le monde ; mais son autorité, d’ailleurs décroissante, elle la doit surtout au passé, et à quelques talents vigoureux, héritiers directs du passé. Supprimez une douzaine de noms illustres ou célèbres, dont quelques-uns sonnent aussi-haut que celui de n’importe quel étranger et certainement appartiendront à l’histoire des sciences, on ne voit pas parmi les jeunes qui les remplacerait. Vous rencontrerez — élément qui n’est certes pas à dédaigner et qu’on peut avec raison nous envier — des hommes de bon sens ; vous rencontrerez encore des hommes instruits et des spécialistes très distingués ; vous ne rencontrerez pas, du moins en nombre suffisant, de véritables esprits scientifiques.

Comment expliquer cet état de choses ?

Les raisons en sont nombreuses. Voici les principales.

Elles sont de trois ordres : les unes tiennent à la condition de l’économie politique en France et au degré de considération qu’elle obtient parmi nous ; les autres, à notre caractère propre et à la tournure de notre esprit ; d’autres, enfin, à l’organisation de l’enseignement de l’économie politique.

A. Parmi ces causes, la mauvaise organisation de l’enseignement de l’économie politique en France, est, pour nous, la cause capitale. Il n’y a de religion vivace que celle qui a ses prêtres et ses fidèles ; il n’y a de science féconde que celle qui a ses maîtres et ses disciples. Or, l’économie politique en France manque un peu de tout cela.

Ceci n’est pas admis par tout le monde. On dresse dans les facultés et dans les écoles de toutes catégories, la liste des chaires d’économie politique, et, avec le total, on démontre que peu de pays peuvent se vanter d’un pareil enseignement. Mais ces chiffres et l’argument qu’on en tire n’ont que peu de valeur. Dans l’enseignement, il faut distinguer deux choses : la vulgarisation des doc-