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Le cadastre bien compris serait un merveilleux instrument. Toutes les difficultés de notre législation hypothécaire hérissée de formalités nombreuses et compliquées se lient à cette réforme.

Il en résulterait la consolidation de la propriété foncière, la possibilité d’en organiser sérieusement le crédit, la perception régulière et assurée de tous les droits de mutation, peut être bien même une péréquation plus sûre de l’impôt foncier. Le cadastre devrait être, en un mot, la juste délimitation, le titre légal de la propriété, la base de son crédit.

On prétend que si la révision, la réfection, n’étaient accomplies que là où elles seraient réclamées ou si elles n’étaient exécutées que dans un long délai, ce serait un obstacle absolu à la perception de l’impôt et aux autres réformes qu’il est indispensable d’opérer. Cette objection n’est pas juste. Rien n’empêcherait la perception de l’impôt de se faire sous quelque régime que ce fût, même sous un régime mixte.

« L’opération cadastrale doit donc révéler, dit M. Duperrey, la superficie de la propriété territoriale qui sert de base aux nombreuses transactions dont elle est l’objet constamment : la transcription de toutes les mutations de la propriété, de quelque façon qu’elles se produisent, sous toutes ses formes. Les géomètres seraient payés par les intéressés. La révision s’opérerait par la mutation successive de la propriété. »

« Mesurer, sur une étendue de 40,000 lieues carrées, près de 100 millions de parcelles ou propriétés séparées ; confectionner pour chaque commune un plan en forme d’atlas où seront rapprochées ces 100 millions de parcelles ; les classer toutes d’après le degré de fertilité du sol ; évaluer le produit imposable de chacune d’elles ; réunir ensuite sous le nom de chaque propriétaire les parcelles éparses qui lui appartiennent ; déterminer, par la réunion de leurs produits, son revenu total, et faire de ce revenu un allivrement qui fût désormais la base immuable de son imposition : telle était l’importance de l’opération fixée par le règlement du 27 janvier 1808. »

L’égalité d’impôt, la péréquation de l’impôt foncier, tel était le but poursuivi. Il ne fut pas atteint. Le rapport ne pouvait s’établir ; quarante ans s’étaient écoulés pendant la confection du cadastre, qui s’était défait à mesure. On se décida pour une péréquation d’office, sur la base des résultats obtenus de la comparaison des baux, des ventes (Loi du 15 mai 1818, art. 38).

De nouvelles erreurs constatées amenèrent les lois de dégrèvement.

L’inscription cadastrale me constitue débiteur à l’égard du fisc, soit comme propriétaire, soit comme usufruitier, soit comme locataire ; pourquoi cette inscription ne pourrait-elle pas me servir pour me donner le bénéfice des charges qu’elle m’impose ?

« Si la question budgétaire pouvait être écartée, nous n’hésiterions pas à vous proposer le projet de loi cadastrale élaboré en 1846 qui en fait une œuvre de l’État, qui donne satisfaction, dans la mesure possible et convenable aux besoins de la propriété. » (Léon Say, ministre des finances, Exposé des motifs, projet de loi, mai 1879, Chambre des députés).

Tout impôt assis sur la propriété foncière implique l’existence et l’usage d’un cadastre qui forme comme le rôle des terres imposables.

En 1820, l’impôt foncier se répartissait de la manière suivante entre les différents départements : 4 étaient imposés au 6e de leur revenu annuel réel ; 23 au 7e ; 18 au 9e ; 14 au 10e ; 5 au 11e ; 4 au 12e ; 4 au 13e ; 1 au 14e ; 4 au 15e ; 1 au 16e ; 1 au 17e.

D’après l’enquête faite en vertu de la loi du 9 août 1879, le taux moyen de la contribution par rapport au revenu net est de 4fr,49 dans 1 département la propriété non bâtie paye moins de 0fr,01 par franc de son revenu ; dans 3 elle paye de 2 à 3 centimes ; dans 27 de 3 à 4 centimes ; dans 21 de 4 à 5 centimes ; dans 26 de 5 à 6 centimes ; dans 8 de 6 à 7 centimes et dans 1 de 7 à 8 centimes ; quarante-six départements payent en trop une somme de 11,157,000 francs, quarante et un autres la payent en moins.

À ces variations il faut ajouter celles qui se produisent de commune à commune.

Dans chaque commune, en effet, uniformément, on admet au plus cinq classes de cultures ; ces classes ne sont évidemment pas comparables d’un département, d’un arrondissement, d’une commune à l’autre. La classification est faite sur des parcelles de tout point différentes. Le législateur a décidé que, pour chaque parcelle, on prendrait pour le revenu cadastral, pour le revenu imposable, le revenu des quinze dernières années, déduction faite des deux meilleures et des deux plus mauvaises. Combien y a-t-il de gens à même d’évaluer avec une certaine précision le revenu net de la dernière année échue, et surtout des quinze années précédentes ?

La contenance elle-même des parcelles est aussi indécise. Dans la plupart des communes, elles ne sont point abornées ; quand elles le sont, aucun procès-verbal officiel ne constate que l’abornement est exact. Aussi les notaires portent-ils dans leurs actes