Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

10

ACCAPAREMENT

—10—

pa- à un seul ]

Les faits sont là pour le prouver accaparement du mercure, du soufre, de l’étain, du cuivre.

Certains syndicats peuvent, dit-on, obtenir des effets avantageux lorsque, restant dans des bornes modérées, ils ont pour conséquence de stimuler, de faire reparaître l’élément spéculatif qui est l’âme du commerce et de l’industrie. Le fait s’est produit dans l’industrie de la soie. Mais serait-il possible d’organiser, par exemple, des syndicats internationaux sur les blés, embrassant les États-Unis, la Russie, le marché de Londres  ? Il est difficile de le croire. Il se fait de temps à autre des opérations à la hausse sur une vaste échelle, à Chicago ou San Francisco. On cherche surtout alors à faire pour aux vendeurs à découvert, à les obliger à se liquider, à les étrangler, pour employer un terme de bourse. On espère, en retenant les blés en Amérique, agir sur le marché de Londres et y produire une rareté. Ce sont des opérations passagères, temporaires, pour lesquelles celui qui les entreprend court de grosrisques. Ces tentatives de dicter les prix et de provoquer la hausse ont parfois des effets indirects avantageux pour la masse des consommateurs. On a observé aux États-Unis qu’après une mauvaise récolte, si une tentative d’accaparement se produit sur le marché de Chicago par exemple, la hausse a pour conséquence d’attirer les réserves cachées de froment, de mobiliser le stock latent ; après l’échec de la spéculation, les prix baissent. S’il n’y avait pas eu cette action, la marchandise aurait moins afflué vers les marchés. C’est à cet ordre de spéculations que se rattachent celles qui se font sur les huiles, sur les farines, sur les cafés, les sucres et qui ont pour théâtre une bourse de commerce Paris, Anvers, Hambourg, Amsterdam, Magdebourg, où un groupe de spéculateurs, connaissant l’exagération et l’étendue des engagements à la baisse, l’épuisement des stocks et la difficulté de tenir les promesses de livraison pour l’époque fixée, la fin du mois, par exemple, exploitent une situation, achètent tout ce qui s’offre sur le marché local et poussent les prix à la hausse. Les vendeurs à découvert peuvent être ruinés, mais le gros des haussiers est singulièrement embarrassé de la quantité de marchandises dont il s’est rendu maître, qu’il ne peut garder en magasin qu’en laissant dormir un capital emprunté à gros intérêts et qu’il finit le plus ordinairement par vendre à perte.

A côté de ces gigantesques syndicats internationaux, pleins d’ambition et si souvent précaires, il en est d’autres, d’un caractère plus modeste, qui se contentent de s’attaquer

pays, d’y dominer le marché il

à un seul pays, d’y dominer le marché intérieur, d’en surélever les prix, pour prélever ainsi une véritable dîme sur le consommateur indigène.

En s’associant, en secoalisantpour réduire leur production et pour s’entendre sur le maintien des cours, les industriels ne font qu’user d’un droit strict.

Il n’y aurait matière à délit, au point de vue de la liberté des transactions, que si lés prétendus accapareurs usaient de menaces ou de manœuvres dolosives pour amener les récalcitrants à entrer dans un syndicat qui deviendrait forcé.

Mais il est un cas où les coalitions de producteurs sont condamnables ce sont celles qui sont engendrées en quelque sorte directement ou indirectement par l’État. Elles sont tolérables dans les pays qui vivent sous le régime de la liberté commerciale, et elles sont en même temps plus faciles à combattre, parce que le consommateur a la possibilité de se soustraire au joug qu’on veut lui imposer en s’adressant aux producteurs étrangers. Mais, dans les pays protectionnistes, la loi livre sans défense les consommateurs aux coalitions pour le relèvement des prix ; aussi est-ce dans les pays où la protection est le plus développée qu’on rencontre le plus grand nombre de syndicats d’accaparement de la nature de ceux dont nous avons parlé. Sur un marché faussé par des droits de douane, fermé à la concurrence étrangère, il se manifeste toujours, à certains moments, un excès de production.

L’industrie, stimulée par l’exclusion des articles similaires de l’étranger, ne met plus de bornes à sa production et inonde, si l’on peut ainsi s’exprimer, le marché intérieur ; les producteurs nationaux se font une concurrence à outrance ; mais ils s’aperçoivent bientôt qu’ils ont fait fausse route, qu’ils se ruinent les uns les autres les plus avisés conçoivent alors le projet d’une entente dont le but est de fixer un minimum de prix de vente ou bien de restreindre par un accord la production, ou bien encore de prendre l’un et l’autre de ces deux partis, et au besoin d’installer un bureau central pour répartir les commandes des usines et livrer les produits aux consommateurs.

4. Prétendue utilité de l’accaparement. Le protectionnisme a eu pour conséquence d’assurer à l’industrie indigène le débouché intérieur à l’exclusion de l’industrie étrangère et, en même temps, il a exercé une action sur les prix. Par leur propre entraînement, les industriels ont déprécié les prix ; ils en souffrent, la coalition est leur remède. Le


ACCAPAREMENT