Page:Say - Chailley - Nouveau dictionnaire d’économie politique, tome 1.djvu/380

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tion. Le système des entraves à l’exportation contre lequel Turgot a spécialement dirigé ses remarquables Lettres, ce système soulève plusieurs sortes d’objections, soit que l’exportation se trouve absolument prohibée lorsque le blé a atteint un certain prix à l’intérieur, soit qu’on l’assujettisse alors à un droit mobile et croissant 1° La défense d’exportation empêche la sortie des grains de qualité supérieure, dont la vente à l’étranger donnerait aux populations pauvres les moyens d’obtenir en échange une plus grande quantité d’aliments inférieurs 2° Elle décourage l’importation des grains étrangers, en ôtant aux négociants la ressource de les réexporter, dans les cas où ils trouveraient à les vendre plus avantageusement ailleurs. La généralisation du système des entrepôts a, du reste, heureusement diminué l’importance pratique de cette objection 3° Elle ralentit le développement des cultures en enlevant aux cultivateurs le débouché du dehors, précisément aux époques où ce débouché est le plus avantageux. Les importations sont entravées par des droits fixes ou par des droits mobiles. Mais il convient de remarquer que le premier système n’a de fixe que le nom ; car lorsqu’un pays se trouve menacé de la disette, le gouvernement se hâte toujours de suspendre le droit. D’un. autre côté, dans les années d’abondance et de bas prix, le droit n’apporte à l’agriculture indigène qu’une protection nominale. Les droits mobiles, s’élevant à mesure que les prix s’abaissent à l’intérieur, ont été établis dans la vue de maintenir, avec une certaine régularité, un prix dit remunérateur. Expliquons ce qu’on entend par ce mot. On suppose que le cultivateur, pour rentrer dans tous ses frais, pour payer la rente nécessaire du propriétaire, le salaire nécessaire de ses ouvriers et percevoir son profit nécessaire, a besoin de vendre son blé à un certain prix qualifié de rémunérateur. En France, le prix rémunérateur

était évalué à 20 francs environ par hectolitre, et l’on s’efforçait de combiner les droits d’importation et d’exportation de telle sorte que le prix courant des blés ne s’écartât jamais beaucoup de ce prix, qui représentait ou était supposé représenter les frais de production de la denrée. Mais les faits attestent que jamais ce but idéal des modernes lois-céréales n’a pu être atteint. Il n’est pas difficile d’en trouver la raison aucune loi-céréale ne saurait, en effet, déjouer les caprices des saisons et empêcher la terre d’être plus féconde dans une année et de l’être moins dans une autre. Or, c’est une remarque qui a été faite maintes fois, qu’un léger excédent ou un léger déficit dans l’approvisionnement d’une denrée CÉRÉALES 358 CÉRÉALES

stème des entraves à l’exporta- nécessaire à la vie suffit pour occasionn lequel Turgot a spécialement une perturbation considérable dans le n nécessaire à la vie suffit pour occasionnner une perturbation considérable dans le prix. « Le fait, dit M. Tooke dans son Histoire des prix, qu’un faible déficit dans la production du blé, comparée au taux moyen de la consommation, occasionne une hausse hors de proportion avec la grandeur du déficit ; ce fait est attesté par l’histoire des prix, à des époques où rien, dans la situation politique et commerciale du pays, ne pouvait exercer une influence perturbatrice sur les marchés. Quelques écrivains ont essayé d’en déduire une règle exacte de proportion entre un déficit donné de la récolte et la hausse probable du prix. M. GregoryKing a donné notamment la règle de proportion suivante pour le prix du blé.

dixième }élève le prix de : { 3 dixièmes. 
8 
1,6 
2,8 
4,5 

« Mais que cette proportion soit exacte ou non, il n’en est pas moins avéré que les variations dans les quantités de blé offertes au marché engendrent des variations beaucoup plus sensibles dans les prix 1. » En présence de ce phénomène économique, aucune défense d’importation ou d’exportation ne saurait empêcher le prix du marché de tomber au-dessous du prix rémunérateur dans une année d’abondance, ni de s’élever au-dessus dans une année de disette. Au contraire, les faits attestent que les lois restrictives des importations ou des exportations ne peuvent qu’augmenter les fluctuations des prix, tantôt en surexcitant la production du blé, tantôt en la décourageant. Il est donc impossible d’obtenir régulièrement un prix rémunérateur au moyen d’une loi céréale. En revanche, on peut occasionner par ce moyen un exhaussement permanent du niveau des prix ; voici comment. Lorsque l’importation des blés étrangers vient à être interdite et que la quantité des blés offerts sur le marché intérieur se trouve ainsi réduite, une hausse s’opère dans le prix, surtout si l’augmentation de la population provoque une

demande croissante des substances alimenraires on trouve avantage, en ce cas, à mettre en culture des terrains inférieurs ou, ce qui revient au même, des terrains moins propres à la culture spéciale des blés que ceux qui sont déjà affectés à ce genre de production. Les frais de production des céréales cultivées sur ces terrains inférieurs constituent alors le prix rémunérateur, autour du- Th. Tooke, A history of prices, vol. I. chap. II. Effect of quantity on prices, p. 10.