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la loi de 1849 ne différa du Code pénal qu’en ce que les patrons et les ouvriers furent passibles de peines égales, à savoir, un emprisonnement de six jours à trois mois et une amende de 16 à 10,000 francs.

Le 6 novembre 1863, Napoléon III ouvrant la session législative annonça dans son discours le dépôt d’un projet de loi modifiant la loi sur les coalitions. Cette réforme n’était pas absolument une surprise. Déjà, pendant la session de 1863, l’opinion y avait été préparée. Un certain nombre de députés avaient présenté, sous la forme d’un amendement au projet d’adresse, une proposition tendant à l’abrogation de la loi sur les coalitions. Ils avaient été inspirés par les dépositions des ouvriers envoyés à Londres pour étudier l’exposition de 1862 qui, à leur retour, avaient formulé une série de revendications parmi lesquelles figurait le droit de coalition. Le projet du gouvernement fut mis en discussion et il devint, sauf de légères modifications, la loi du 25 mai 1864. En voici l’économie générale : en principe, la coalition simple, c’est-à-dire consistant en un concert pacifique entre des patrons ou des ouvriers, n’est pas de soi un fait illicite et condamnable. L’égalité des droits entre patrons et ouvriers est reconnue. Seules les coalitions violentes restent punissables. « Sera puni d’un emprisonnement de six jours à trois ans et d’une amende de 16 à 3000 francs ou de l’une de ces peines seulement, quiconque, à l’aide de violences, voies de fait, menaces ou manœuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d’amener ou de maintenir la cessation concertée de travail dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires, et de porter atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail… Lorsque les faits punis par l’article précédent auront été commis par suite d’un plan concerté, les coupables pourront être mis sous la surveillance de la haute police pendant deux ans au moins et cinq ans au plus… Seront punis d’un emprisonnement de six jours à trois mois et d’une amende de 16 à 300 francs, ou de l’une de ces peines seulement, tous ouvriers, patrons et entrepreneurs d’ouvrage qui, à l’aide d’amendes, défenses, proscriptions, interdictions prononcées par suite d’un plan concerté, auront porté atteinte au libre exercice de l’industrie ou du travail. » Quatre années plus tard en 1868, était édictée une loi sur le droit de réunion, qui, bien qu’incomplète et restrictive, pouvait être regardée dans une certaine mesure comme le complément de la loi de 1864. Les dispositions de la loi de 1868 furent élargies et complétées par la loi du M juin 1881. Enfin intervint en 1884 la loi sur les syndicats (voy. ce mot), qui peut être regardée comme l’étape la plus considérable qui ait été faite en France dans la voie de l’émancipation des classes ouvrières.

G. M.


COBDEN (Richard), 1804-1865 ; grand agitateur anglais un des défenseurs les plus constants et les plus énergiques de la liberté commerciale en Angleterre.

Richard Cobden eut des débuts difficiles. Il dut travailler pour vivre et pour faire vivre les siens, car son père, fermier dans le Sussex, était mort ruiné. Mais son activité, son intelligence et sa probité, l’élevèrent peu à peu jusqu’à la fortune. Il devint un des grands fabricants de tissus de coton de Manchester. Quand il vit ses affaires prospères et qu’il se crut sûr de l’avenir, il consacra ses efforts à la propagation des idées libérales. Il entra avec une ardeur extrême dans la lutte qui s’engagea de 1838 à 1846 pour obtenir d’abord l’abrogation des droits de douane sur les blés qui constituaient un monopole au profit de quelques grands seigneurs, propriétaires de presque toute la surface de l’Angleterre, et ensuite pour assurer le triomphe définitif de la liberté commerciale dont Huskisson avait posé les bases en 1825.

Pendant qu’il s’occupait des affaires de son pays, il négligea les siennes et perdit, en quelques années, par suite de circonstances malheureuses ou par la mauvaise gestion de ses associés, tout le fruit de ses premiers travaux. Quand ses admirateurs et ses amis connurent ses embarras financiers, ils ouvrirent entre eux une souscription et réunirent un très gros capital. Ses établissements industriels furent liquidés ; on acheta, pour la lui offrir, la petite maison où il était né et où son père était mort, et on lui assura une existence honorable.

Un jour, dans une réunion populaire, un homme grossier osa lui reprocher ce que le public avait fait pour lui. Cobden lui répondit par ces nobles paroles : « Cette maison, je la dois à la générosité de mes concitoyens. J’y suis né et j’y ai passé mon enfance ; elle appartenait à mes ancêtres ; mon père avait été forcé de la vendre. Grâce à la munificence de mes concitoyens, la voici de nouveau dans mes mains. J’ai pu rallumer le foyer paternel, au lieu même où s’est écoulée mon enfance. Aucun duc guerrier qui doit ses vastes domaines au vote du parlement impérial n’a un titre de propriété plus honorable que le mien. »

La carrière de Cobden, comme défenseur des plus nobles idées et des causes les plus justement populaires, a été si remplie qu’on