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cipes de la Ligue par une lettre fameuse, il ne trouve qu’un mot de mépris pour parler de cette conversion « La lettre d’Édimbourg a transformé lord John de l’homme le plus obscur du royaume en l’homme le plus populaire et le plus en vue. »

Il traite Wellington de vieillard imbécile et la Chambre des communes de « dégoûtante ».

« Qu’est-ce que le monopole du pain ? c’est la disette du pain. Vous êtes surpris d’apprendre que la législation de ce pays, à ce sujet, n’a pas d’autre objet que de produire la plus grande disette de pain qui se puisse supporter ? Et cependant ce n’est pas autre chose. (Écoutez ! écoutez !) La législation ne peut atteindre le but qu’elle poursuit que par la disette. Ne vous semble-t-il pas que c’est assez clair ? Quelle chose dégoûtante de voir la Chambre des communes je dis dégoûtante ici ; ailleurs, le mot ne serait pas parlementaire. Mon ami le capitaine Bernai, leur a dit le mot en face, mais rappelé à l’ordre par le président, il a dû s’excuser et retirer l’expression. Mais allez, comme je l’ai fait, d’abord à la barre de la Chambre des lords et puis à la Chambre des communes, et vous verrez que le fond de leurs discours c’est : fermage ! fermage ! fermage cherté ! cherté ! cherté ! fermage ! fermage fermage ! (Rires et applaudissements.) Qu’est-ce que cela signifie ? »

« Voilà une collection de grands seigneurs, de dignes gentilshommes assurément, et faisant figure sur les coussins de la Chambre des lords, mais du reste, ne dépassant guère le niveau de l’intelligence ordinaire et fort peu au-dessus de la médiocrité, selon ce que j’en puis savoir, en vertu et en connaissances. Mais enfin les voilà. Et qui sont-ils ? — des marchands de blé et de viande. — » (Bruyants applaudissements.)

La conversion de Robert Peel finit pourtant pas l’attendrir. « Ma conviction, a-t-il écrit un jour après le triomphe de ses idées, c’est qu’en théorie, Peel a toujours été libre échangiste, mais il ne pensait pas que le libre échange absolu fût au nombre des mesures pratiques qu’on pouvait proposer à la Chambre des communes. C’était pour lui une question de calcul de voix. Il était attelé à une majorité d’animaux inférieurs ; il devait suivre leur allure et non la sienne. »

Robert Peel de son côté ne lui tint pas longtemps rigueur, et il lui rendit le plus éclatant hommage en pleine Chambre des communes dans la soirée du 26 juin 1846.

L’abolition des lois-céréales avait été votée quelques jours auparavant par la Chambre des communes et la résolution des communes venait d’être sanctionnée par la Chambre des lords mais le jour où l’on apprit le consentement de la Chambre des, lords, sir Robert Peel était mis en minorité sur la question irlandaise. Il descendit du pouvoir; en adressant le même soir ses adieux aux représentants du pays, il leur rappela le vote fameux qu’ils avaient émis sur les lois-céréales :

« Le mérite de ces mesures, dit-il, je le déclare en m’adressant aux honorables membres de l’opposition comme à nous-mêmes, ce mérite n’appartient exclusivement à aucun parti. Il s’est produit entre les partis une sorte de fusion sous l’influence du gouvernement, et cette fusion a eu pour conséquence le succès définitif. Mais le nom qui doit être et qui sera certainement associé à ces mesures, c’est celui d’un homme, dont les motifs ont été les plus désintéressés et les plus purs, qui, avec une infatigable énergie et en faisant appel à la raison publique, a démontré leur nécessité par une éloquence d’autant plus admirable qu’elle était simple et sans ornement : c’est le nom de Richard Cobden. »

C’était bien en effet Cobden qui avait triomphé, et le soir du vote il avait pu écrire à sa femme « Ma chère Kate, hurrah hurrah Le bill des blés a passé, et maintenant mon ouvrage est achevé. »

Il faut lire dans l’histoire de la Ligue les discours entraînants du grand orateur ; nous ne pouvons même pas les énumérer ; nous citerons cependant,pour donner une faible idée de la forme et de la force de son argumentation, quelques passages tirés d’une de ses plus belles et plus émouvantes improvisations,. de son discours sur l’émigration prononcé sur le théâtre de Drury-Lane à Londres, le 30 mars 1843 :

« …Ne vaut-il pas mieux que l’Angleterre conserve ses enfants pour l’enrichir et la défendre plutôt que de les expatrier? Maison dit : « Ces pauvres tisserands (tant on a de sympathie pour les pauvres tisserands), certainement il faut les renvoyer. » Mais qu’en pensent les tisserands eux-mêmes ? Voici M. Symons, commissaire intelligent, qui a été chargé de faire une enquête sur la condition des ouvriers. Il rapporte leur avoir fréquemment demandé s’ils étaient favorables au système de l’émigration et qu’ils ont constamment répondu « Il serait bien plus simple et bien plus raisonnable de porter les aliments vers nous, que de nous porter vers les aliments. » Car pourquoi expatrier le peuple ? quel est le but de cette mesure ? c’est littéralement pour le nourrir ; il n’y a pas d’autre raison de le jeter sur des plages