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reusement, l’acheteur consentait au vendeur, à raison des propriétés hygrométriques des filés, une bonification qui s’appelait le « don ». Ce don était une des conditions du marché : de là le nom de « Condition » donné à l’établissement chargé d’en fixer le taux[1].

Ramener les produits à un état de siccité absolue de manière à ce que, débarrassés de matières étrangères, ils ne pèsent plus que leur poids exact, tel était le problème à résoudre. C’est en Italie que les premiers essais ont été tentés, mais le mérite d’avoir trouvé et appliqué des produits d’une rigueur absolue revient à Lyon, qui, dès 1779, a créé une institution spéciale pour la condition des soies. Diverses villes ont imité l’exemple de Lyon[2], mais la méthode lyonnaise n’a jamais été dépassée. L’établissement de Lyon est resté le chef-d’œuvre du genre.

Ce n’est pas ici le lieu d’analyser les opérations multiples et délicates que subit la soie avant d’arriver à une siccité absolue : l’énumération même sommaire de ces procédés remplirait plusieurs colonnes. Nous renvoyons donc les lecteurs que cette question intéresse tout spécialement aux ouvrages techniques et surtout au livre déjà à mentionné de M. Perret.

Le conditionnement n’a aucun caractère obligatoire ; chacun est libre d’en faire usage à sa convenance. Mais le vendeur et l’acheteur ont un tel intérêt à y recourir que toutes les soies employées à la confection des soieries lyonnaises y sont soumises. C’est en effet le seul moyen dont dispose le fabricant pour être exactement fixé sur la production et établir ses prix de revient. Dans ces conditions on ne comprendrait pas que l’État intervînt pour rendre obligatoire une mesure devenue générale.

Georges Michel.


CONDORCET (Marie-Jean-Antoine-Nicolas Caritat, marquis de), naquit le 17 septembre 1743 à Ribemont, en Picardie. Il perdit son père à quatre ans. Sa mère, d’une piété ardente et qui allait jusqu’à la superstition, l’avait voué au blanc, et jusqu’à dix ans il ne connut d’autres vêtements et d’autres jeux que ceux des jeunes filles. A onze ans, son oncle, Jacques-Marie de Condorcet, qui occupa successivement, comme évêque, les sièges de Gap, d’Auxerre et de Lisieux, le confia aux soins d’un membre de la société de Jésus, le P. Giraud de Kéroudon. À treize ans, il remporta le prix de seconde au collège des jésuites, à Reims. De là il passa au collège de Navarre, à Paris, et il soutint, à peine entré dans sa seizième année, avec un éclat inaccoutumé, une thèse de mathématiques, en présence de Clairault, de d’Alembert et de Fontaine. Leurs encouragements et, notamment, l’amitié de d’Alembert, le jetèrent d’abord exclusivement dans la culture des sciences mathématiques. Ses mémoires lui ouvrirent, en 1769, l’Académie des sciences, dont il devint secrétaire perpétuel en 1773. C’est en cette qualité qu’il composa l’un de ses meilleurs ouvrages, les Éloges des académiciens morts depuis 1666 jusqu’à 1699. Lié avec Voltaire et d’Alembert, il devint bientôt l’ami de Turgot, qui fit de lui un économiste. En philosophie, en politique, en économie, tous ses ouvrages antérieurs à 1789 ne sont que le commentaire des principes professés par le maître qu’il vénérait et auquel sa plume a consacré, en 1789, un noble hommage dans sa Vie de Turgot.

Tout le monde sait quel fut le rôle de Condorcet pendant la révolution, et connaît sa fin tragique. Condorcet ne fut pas appelé à l’Assemblée constituante, mais il fit partie successivement de la Législative et de la Convention. Nommé secrétaire de l’Assemblée législative, le 3 octobre 1791, il y prit la parole le 25, dans la question de l’émigration, et exprima l’avis qu’on ne devait porter de peine que contre les émigrés pris les armes à la main. Le 5 février 1792, il obtint l’honneur de la présidence. Il fut un des premiers à se déclarer pour la forme républicaine, et était républicain de théorie bien avant Robespierre. Louis XVI ayant refusé de sanctionner les décrets d’accusation contre les princes émigrés, il proposa sa déchéance à raison de ce fait. Les 20 et 21 avril, il occupa la tribune pour lire, au nom du comité d’instruction, un long rapport et un projet de décret sur l’organisation générale de l’instruction publique. Il parla encore dans la célèbre discussion sur les dangers de la patrie, et fit adopter, après le 10 août, une exposition des motifs d’après lesquels l’Assemblée avait proclamé la convocation d’une Convention nationale, et prononcé la suspension du pouvoir exécutif entre les mains du roi.

Envoyé à la Convention par sept ou huit départements, il y tenta vainement de met-

  1. Cette étymologie n’est pas acceptée par M. Perret, directeur de la Condition des soies à Lyon, auquel il semble plus logique et plus naturel de faire dériver le mot conditionnement du verbe « conditionner qui signifie pour tous « donner les qualités, la forme, la couleur requises » et de ne voir dans la soie « conditionnée » que ce que tout le monde entend par un produit bien conditionné, c’est-à-dire présentant toutes les conditions voulues (Monographie de la Condition des soies de Lyon, par Adrien Perret. Lyon, 1878).
  2. Amiens (1806), Aubenas (1854), Avignon (1803), Marseille (1859), Nimes (1844), Paris (1853), Reims (1853), Roubaix (1858), Tourcoing (1863). À l’étranger, parmi les villes qui possèdent un établissement de Condition, nous citerons Londres, Manchester, Vienne, Bergame, Gênes, Zurich, etc…