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réunies ensemble, dans un même lieu, dans un même temps ; elles doivent prévoir le que l’analyse et la théorie seules peuvent réunies ensemble, dans un même lieu, dans un même temps ; elles doivent prévoir le travail demandé et obéir à une direction commune.

La seconde consiste dans la combinaison des efforts de plusieurs hommes en vue de produire des objets différents ou de parvenir par des travaux successifs à la création d’un objet. Le partage des occupations dans la société qui fait que certains individus fabriquent des chaussures pendant que d’autres font des habits est le phénomène le plus général de la coopération complexe. Mais ce n’est pas seulement dans ce grand atelier, la société, que se manifeste cette coopération complexe, on la trouve partout dans l’atelier industriel, et là elle s’appelle plus spécialement division du travail. Dans ce cas, elle a pour but de produire un même objet par des travaux de spécialités diverses, dans un même atelier ou dans des ateliers différents. La fabrique d’épingles d’Adam Smith est un exemple de coopération complexe dans un même atelier ; la fabrication actuelle des montres en est un de coopération complexe dans des ateliers différents. Contrairement à ce qui se passe dans la coopération simple, où il y a, ainsi que nous l’avons vu, solidarité comprise et consentie, dans la coopération complexe, cette solidarité, plus élevée, est assez souvent méconnue, parfois oubliée par la plupart des travailleurs. La connaissance de cette solidarité peut être utile à la production, elle n’est ni indispensable ni nécessaire au fonctionnement de la coopération complexe.

La coopération ne s’applique pas seulement au travail industriel mais aussi aux services, c’est-à-dire aux travaux qui ne s’incorporent pas dans un objet déterminé, comme ceux des médecins, des avocats, des domestiques, etc. Il y a, en effet, des médecins qui ne s’occupent que de maladies spéciales, des avocats d’assises et des avocats d’affaires, etc.

2. Analyse de ces diverses combinaisons du travail. — Leurs avantages. — Objections.

Simple ou complexe, la coopération a pour cause la tendance qu’a l’homme d’obéir à la loi de l’économie des forces obtenir le plus possible avec le moins de travail possible. Et si l’on envisage, d’un point de vue général, le partage des occupations tel qu’il peut être observé dans une société, l’on s’aperçoit bientôt qu’il est le lien le plus puissant pour maintenir unis les membres de cette société. Chaque individu demeure en relations avec ses semblables parce qu’il a intérêt à associer ses efforts aux leurs. La pratique quotidienne de la vie lui fait sentir cet intérêt, que l’analyse et la théorie seules peuvent expliquer en embrassant l’ensemble des phénomènes de la production. « Où en serait la société, dit excellemment Turgot, si chacun labourait son petit champ ? Il faudrait que lui-même aussi bâtît sa maison, fît ses habits. Chacun serait réduit à lui seul et aux seules productions du petit terrain qui l’environnerait. De quoi vivrait l’habitant des terres qui ne produisent point de blé ? Le moindre paysan jouit d’une foule de commodités rassemblées souvent de climats fort éloignés. Je prends le plus mal équipé : mille mains, peut-être cent mille ont travaillé pour lui. »

Il suffit, pour s’en convaincre, de faire l’histoire, par exemple, des souliers que porte ce paysan. L’animal qui a produit le cuir a été l’objet de soins multiples depuis sa naissance jusqu’à sa mort. Puis sa peau, après de nombreuses opérations, a été transformée en cuir. Que de personnes ont coopéré à la production de cette matière première Le berger qui conduisait l’animal au pâturage, le vétérinaire, le chef de l’exploitation agricole, etc., etc., se sont partagé la première besogne ; ensuite sont venus le boucher et ses aides qui ont emmené l’animal à l’abattoir et l’ont tué. Alors la peau est passée en d’autres mains : les tanneurs l’ont préparée, et ce n’a pas été la moins compliquée des transformations. Maintenant, matière première, elle est la propriété d’un commerçant qui la tient à la disposition des cordonniers. Ce commerçant emploie des commis pour vendre, gérer ses magasins, tenir sa caisse, etc. Enfin un cordonnier l’achète, et va lui faire subir la dernière préparation qui doit la rendre propre à la consommation définitive. Cependant la coopération continue son œuvre jusqu’au bout. Celui qui coupe les souliers ne fera pas les piqûres, celui qui fait les piqûres ne terminera pas les souliers. Trois ou quatre industries différentes se sont partagé le travail relatif à la fabrication du produit et dans chaque industrie la division du travail a apporté le concours de son action bienfaisante. Pendant ce temps, d’autres hommes produisaient la nourriture des ouvriers employés à la production du cuir et des souliers ; d’autres encore avaient auparavant fabriqué les outils nécessaires à ces différentes transformations. Si l’on ajoute à tous ces coopérateurs toutes les personnes qui ont été employées aux transports de notre produit et de tous les outils et vivres nécessaires à sa fabrication, on arrive facilement aux mille mains de Turgot, même