Aller au contenu

Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/141

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
140
LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XV.

montre si souvent, paraît au vulgaire être la marchandise par excellence, le terme de toutes les transactions dont elle n’est que l’intermédiaire. On ne devrait pas dire : la vente ne va pas, parce que l’argent est rare, mais parce que les autres produits le sont. Il y a toujours assez d’argent pour servir à la circulation et à l’échange réciproque des autres valeurs, lorsque ces valeurs existent réellement. Quand l’argent vient à manquer à la masse des affaires, on y supplée aisément, et la nécessité d’y suppléer est l’indication d’une circonstance bien favorable : elle est une preuve qu’il y a une grande quantité de valeurs produites, avec lesquelles on désire se procurer une grande quantité d’autres valeurs. La marchandise intermédiaire, qui facilite tous les échanges (la monnaie), se remplace aisément dans ce cas-là par des moyens connus des négocians[1], et bientôt la monnaie afflue, par la raison que la monnaie est une marchandise, et que toute espèce de marchandise se rend aux lieux où l’on en a besoin. C’est un bon signe quand l’argent manque aux transactions, de même que c’est un bon signe quand les magasins manquent aux marchandises.

Lorsqu’une marchandise surabondante ne trouve point d’acheteurs, c’est si peu le défaut d’argent qui en arrête la vente, que les vendeurs de cette marchandise s’estimeraient heureux d’en recevoir la valeur en ces denrées qui servent à leur consommation, évaluées au cours du jour ; ils ne chercheraient point de numéraire, et n’en auraient nul besoin, puisqu’ils ne le souhaitaient que pour le transformer en denrées de leur consommation[2].

Le producteur qui croirait que ses consommateurs se composent, outre ceux qui produisent de leur côté, de beaucoup d’autres classes qui ne produisent pas matériellement, comme des fonctionnaires publics, des médecins, des gens de loi, des prêtres, etc., et qui de là tirerait cette induction, qu’il y a des débouchés autres que ceux que présentent les personnes qui produisent elles-mêmes ; le producteur, dis-je, qui raisonnerait

  1. Des effets au porteur, des billets de banque, des crédits ouverts, des compensations de créances, comme à Amsterdam et à Londres.
  2. Par leur consommation, j’entends toute celle qu’ils font, de quelque nature qu’elle soit ; aussi bien celle qui est improductive et qui satisfait à leurs besoins et à ceux de leur famille, que celle qui est reproductive et alimente leur industrie. Un fabricant de laine, un fabricant de coton consomment à la fois de la laine et du coton pour leur usage et pour celui de leurs manufactures ; mais, quel que soit le but de leur consommation, soit qu’ils consomment pour reproduire, ou que ce soit pour jouir, ils cherchent à acheter ce qu’ils consomment avec ce qu’ils produisent.