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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE XVI.

duits successivement, ce que nous avons observé sur quelques-uns. Au-delà d’un certain point, les difficultés qui accompagnent la production, et qui sont en général surmontées par les services productifs, s’accroissent dans une proportion plus rapide, et ne tardent pas à surpasser la satisfaction qui peut résulter de l’usage qu’on fait du produit. Alors on peut bien créer une chose utile, mais son utilité ne vaut pas ce qu’elle coûte, et elle ne remplit pas la condition essentielle d’un produit, qui est d’égaler tout au moins en valeur ses frais de production. Quand on a obtenu d’un territoire toutes les denrées alimentaires qu’on en peut obtenir, si l’on fait venir de plus loin de nouvelles denrées alimentaires, leur production peut se trouver tellement dispendieuse que la chose procurée ne vaille pas ce qu’elle coûte. Si le travail de trente journées d’hommes ne pouvait les nourrir que pendant vingt jours, il ne serait pas possible de se livrer à une semblable production ; elle ne favoriserait pas le développement de nouveaux individus, qui par conséquent ne formeraient pas la demande de nouveaux vêtemens, de nouvelles habitations, etc.

À la vérité, le nombre des consommateurs étant borné par les denrées alimentaires, leurs autres besoins peuvent se multiplier indéfiniment, et les produits capables de les satisfaire peuvent se multiplier de même et s’échanger entre eux. Ils peuvent se multiplier également pour former des accumulations et des capitaux. Toutefois, les besoins devenant de moins en moins pressans, on conçoit que les consommateurs feraient graduellement moins de sacrifices pour les satisfaire ; c’est-à-dire qu’il serait de plus en plus difficile de trouver dans le prix des produits une juste indemnité de leurs frais de production. Toujours est-il vrai que les produits se vendent d’autant mieux que les nations ont plus de besoins, et qu’elles peuvent offrir plus d’objets en échange ; c’est-à-dire qu’elles sont plus généralement civilisées.

CHAPITRE XVI.

Quels avantages résultent de l’activité de circulation[1] de l’argent et des marchandises.

On entend souvent vanter les avantages d’une active circulation, c’est-

  1. Ce mot, comme la plupart des termes de l’économie politique, est journellement employé, même par des personnes qui attachent quelque prix à la précision, absolument au hasard : « Plus la circulation est également répartie, dit un académicien, moins il y a d’indigence dans une nation. » J’en demande pardon à La Harpe : dans cette phrase, extraite d’un de ses ouvrages, le mot circulation ne signifie rien, et ne peut rien signifier.