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Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/218

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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

nouveau jour sur les effets de l’intervention de l’autorité dans l’approvisionnement, et ont été peut-être favorables au système de la liberté.

En effet, que disaient de plus fort les partisans de la prohibition des grains étrangers ?

Qu’il fallait, même aux dépens des consommateurs, encourager la culture du pays, pour qu’il ne pût pas être affamé par les étrangers. On assignait deux cas où ce risque était principalement redoutable : le cas d’une guerre où une puissance influente pourrait empêcher une importation devenue indispensable ; et le cas où la disette se ferait sentir dans les pays à blé eux-mêmes, et où ils retiendraient, pour leur subsistance, leurs propres récoltes[1].

On répondait à cela, que l’Angleterre devenant un pays régulièrement et constamment importateur de blé, plusieurs contrées du monde prendraient l’habitude de lui en vendre ; ce qui favoriserait et étendrait la culture du froment dans certaines parties de la Pologne, de l’Espagne, de la Barbarie, ou de l’Amérique septentrionale ; que dès-lors ces contrées ne pourraient pas plus se dispenser de vendre, que l’Angleterre d’acheter ; que Bonaparte lui-même, le plus furieux ennemi de l’Angleterre, au plus fort des hostilités, lui avait fait passer du grain pour en recevoir de l’argent ; que jamais la récolte ne manque à la fois en plusieurs pays distans les uns des autres ; et qu’un grand commerce de blé, bien établi, oblige à des approvisionnemens préparés d’avance, à des dépôts considérables qui éloigneraient, plus que toute autre cause, la possibilité des disettes ; tellement qu’on peut affirmer, d’après le raisonnement et l’expérience de la Hollande et de quelques autres états, que ce sont précisément ceux où l’on ne recueille pas de blé, qui ne sont jamais exposés à des disettes, ni même à des chertés bien considérables[2].

On ne peut se dissimuler cependant qu’il n’y ait des inconvéniens graves à ruiner dans un pays (même dans celui où les approvisionnemens du commerce sont faciles) la culture des céréales. La nourriture est le premier besoin des peuples, et il n’est pas prudent de se mettre dans la nécessité de la tirer de trop loin. Des lois qui prohibent l’entrée des blés pour protéger les intérêts du fermier aux dépens des manufacturiers, sont des lois fâcheuses, j’en conviens ; mais des impôts excessifs, des emprunts,

  1. Malthus : An Inquiry into the nature and progress of rent. The grounds of an opinion, etc., on foreign corn.
  2. Ricardo : An Essay on the influence of the low price of corn, etc.