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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Mais elle a de plus de très-graves inconvéniens. Elle occasionne dans les prix des denrées un bouleversement, qui a lieu de mille manières, suivant chaque circonstance particulière, ce qui dérange les spéculations les plus utiles et les mieux combinées ; elle détruit toute confiance pour prêter et emprunter. On ne prête pas volontiers là où l’on est exposé à recevoir moins qu’on n’a prêté, et l’on emprunte à regret là où l’on est exposé à rendre plus qu’on n’a reçu. Les capitaux en conséquence ne peuvent pas chercher les emplois productifs. Les maximum et les taxes de denrées, qui marchent souvent à la suite des dégradations des monnaies, portent à leur tour un coup funeste à la production.

La morale d’un peuple ne souffre pas moins des variations monétaires ; elles confondent toujours pendant un certain temps ses idées relativement aux valeurs, et, dans tous les marchés, donnent l’avantage au fripon adroit sur l’honnête homme simple ; enfin elles autorisent, par l’exemple et par le fait, le vol et la spoliation, mettent aux prises l’intérêt personnel avec la probité, et l’autorité des lois avec les mouvemens de la conscience.

CHAPITRE XXVI.

Des Papiers-monnaies.

Il n’est point ici question des engagemens contractés par l’état ou par les particuliers d’acquitter en numéraire une certaine somme, et qui sont en effet acquittés à présentation, ou à leur échéance. On applique le nom de papier-monnaie à une véritable monnaie de papier qui ne stipule pas son remboursement, ou qui ne stipule qu’un remboursement illusoire qu’on n’exécute pas. Le gouvernement autorise alors à acquitter en papier-monnaie les engagemens contractés en espèces ; mais c’est autoriser une violation de foi ; et, sous ce rapport, une monnaie de papier peut passer pour le dernier terme de l’altération des monnaies.

Il semble qu’une monnaie de cette espèce, ne tirant aucune valeur de la matière dont elle est faite, ni d’un remboursement dont l’époque est indéfinie, et qui par conséquent n’engage à rien, ne devrait avoir aucune valeur, et qu’avec un tel papier, quelle que fût la somme qui s’y trouvât spécifiée, on ne devrait pouvoir rien acheter. L’expérience prouve le contraire, et il s’agit d’expliquer cet effet au moyen de la connaissance que nous pouvons avoir acquise de la nature et de l’usage des monnaies.