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LIVRE SECOND. — CHAPITRE I.

CHAPITRE II.

Des variations relatives et des variations réelles dans les prix.

Les variations relatives dans la valeur des produits, sont les variations qu’ils éprouvent l’un relativement à l’autre. Leurs variations réelles sont celles que subissent les frais que coûte leur production[1]. Les variations relatives influent considérablement sur les richesses des particuliers ; elles ne changent rien à la richesse nationale. Si la même qualité de drap, qui se vendait 40 francs l’aune, ne se vend plus que 30 francs, la richesse de tous les possesseurs de cette espèce de drap est diminuée de 10 francs pour chacune des aunes qu’ils ont à vendre ; mais en même temps la richesse des consommateurs de ce même drap est augmentée de 10 fr pour chacune des aunes qu’ils ont à acheter.

Il n’en est pas de même quand c’est le prix originel d’un produit qui vient à baisser. Si les frais de production nécessaires pour produire une aune de drap et qui s’élevaient à 40 francs, ne s’élèvent plus qu’à 30 fr ; si, par exemple, cette aune qui exigeait 20 journées de travail à 40 sous, au moyen de quelques procédés plus expéditifs se trouve n’en exiger plus que 15, le producteur voit sa richesse augmentée de 10 francs pour chaque aune qu’il vend, et personne n’en est plus pauvre ; car s’il achète cinq journées de travail de moins, il laisse à l’ouvrier la disposition de son temps ; l’ouvrier vend son travail à un autre producteur, au lieu de le vendre au premier. Quand la concurrence des producteurs oblige celui-ci à baisser son prix au niveau des frais de production, ce sont alors les consommateurs du produit qui font leur profit de cette baisse ; ils gagnent 10 francs pour chacune des aunes de drap qu’ils doivent acheter ; cette somme peut être appliquée par eux à la satisfaction de quelque autre besoin, et il n’en résulte aucune perte pour personne.

Cette variation de prix est absolue ; elle n’entraîne pas un renchérissement équivalent dans l’objet avec lequel l’échange est consommé ; on peut la concevoir, et elle a lieu véritablement, sans que ni les services productifs, ni les produits dont on les achète, ni les produits dont on achète le produit qui a varié, aient eux-mêmes changé de prix.

  1. C’est ce qu’Adam Smith appelle le prix naturel, par opposition avec le prix courant (market price).