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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE V.

multipliées là où se rencontrent la grande opulence et la grande misère. La société se divise alors en un petit nombre de gens qui se procurent des jouissances recherchées, et un grand nombre d’autres qui envient le sort des premiers, et font tout ce qu’ils peuvent pour les imiter ; tout moyen paraît bon pour passer d’une classe dans l’autre, et l’on est aussi peu scrupuleux sur les moyens de jouir qu’on l’a été sur ceux de s’enrichir.

En tout pays, le gouvernement exerce une fort grande influence sur la nature des consommations qui se font, non-seulement parce qu’il est appelé à décider de la nature des consommations publiques, mais parce que son exemple et ses volontés dirigent beaucoup de consommations privées. Si le gouvernement est ami du faste et de l’ostentation, le troupeau des imitateurs aura du faste et de l’ostentation ; et les personnes mêmes qui sont faites pour se conduire conformément à leurs propres principes, seront forcées de les sacrifier. Leur sort est-il toujours indépendant d’une faveur et d’une considération qu’on attache alors, non aux qualités personnelles, mais à des prodigalités qu’elles désapprouvent ?

Au premier rang des consommations mal entendues, sont celles qui procurent des chagrins et des maux, en place des plaisirs qu’on en attendait. Tels sont les excès de l’intempérance ; et si l’on veut des exemples pris parmi les consommations publiques, telles sont les guerres entreprises par vengeance, comme celle que Louis XIV déclara au gazetier de Hollande, ou bien celles que suscite l’amour d’une vaine gloire, et où l’on ne recueille ordinairement que la haine et la honte. Toutefois de telles guerres sont moins affligeantes encore à cause des pertes qui sont du domaine de l’économie politique, qu’à cause du repos et de l’honneur des nations qu’elles compromettent, à cause des vertus et des talens qu’elles moissonnent pour toujours ; ces pertes sont un tribut que la patrie, que les familles déploreraient déjà, quand il ne serait exigé que par l’inexorable nécessité, mais qui devient affreux lorsqu’il faut en faire le sacrifice à la légèreté, aux vices, à l’impéritie ou aux passions des grands.

CHAPITRE V.

Des Consommations privées, de leurs motifs et de leurs résultats.

Les consommations privées, par opposition aux consommations publiques, sont celles qui se font pour satisfaire aux besoins des particuliers et des familles. Ces besoins ont principalement rapport à leur nourriture, à