Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/182

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Où nos navires prirent port,
Car la mer nous ennuyait fort.
L’on fit à Jupin sacrifice,
Et puis, tant pour faire exercice
Que pour célébrer Actium,
A la manière d’Ilium,
Nous fîmes fête solennelle :
Je pris ma robe la plus belle,
Je mis un prix pour les lutteurs,
Pour les danseurs, pour les saureurs,
Pour l’escrime à la dague seule
Colin-maillart, et pet-en-gueule.
Cependant le roi des saisons.
Avait fait ses douze maisons.
Déjà l’hiver porte-mitaine
Faisait sur mer sentir l’haleine
Des impétueux Aquilons,
Et donnait mules aux talons.
Notre troupe était fort contente
D’avoir pu, contre son attente
Passer le pays ennemi,
Sans trouver ni Grec ni demi,
Qui nous dît parole mauvaise :
Pour moi j’en étais ravi d’aise ;
Et, pour nos ennemis fâcher,
Je fis en terre un pieu ficher,
Auquel, au son de la trompette,
Avec deux grands clous de charrette,
Je fis clouer l’écu d’Abas,
Autrefois par moi mis à bas.
Puis j’y mis, en lettre gothique,
Cette inscription authentique
Aeneas prit avec grand cœur
Cet écu sur le Grec vainqueur.
Ma rodomontade ainsi faite,
Je fis sonner pour la retraite.
Mes compagnons, à qui mieux mieux,
Autant les jeunes que les vieux,
Chantant pour se donner courage,
De fendre les eaux faisaient rage,