Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/203

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Puis s’écria : « Debout ! debout ! »
Ayant bien examiné tout,
Orion, l’Ourse, les Hyades :
"Nous n’avons aucunes bourrades
A craindre, dit-il, sur la mer ;
Remettons-nous donc à ramer."
Tout aussitôt on se rembarque ;
Ma nef la route aux autres marque.
Nous n’avions pas longtemps vogué,
Que l’aurore au visage gai,
D’une lumière zinzoline
En zinzolina la marine.
Quand le jour vint à s’éclaircir,
Nous vîmes de loin épaissir,
Sur les confins des eaux salées,
Des montagnes amoncelées.
Achates le premier cria
Si fort que sa voix s’enroua :
 « Courage, je vois l’Italie. »
D’une aise sentant sa folie
Chacun des nôtres fut ravi,
Chacun s’écriant à l’envi.
Une heure au moins cette huée
Fut dans les nefs continuée.
Anchise prit un gobelet
Plein d’un vin aussi doux que lait ;
Puis, ôtant bonnet et calotte,
D’une action toute dévote
Il dit : "O grands Dieux immortels,
Si jamais servant vos autels,
J’ai vidé dignement ma coupe,
Donnez-nous bien le vent en poupe,
Faites-nous aller de droit fil
Dans ce pays gras et fertil
D’où sont sortis messieurs nos pères,
Où mon fils, après ses misères,
Doit se joindre au second hymen."
Nous nous écriâmes : Amen !
Le vent grossissant son haleine,
Nos navires voguaient sans peine :