Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/218

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Et s’y joint en bonne amitié ;
Puis, mêlant tous deux par moitié
Leurs eaux aussi claires que vitres,
Tous leurs poissons, toutes leurs huîtres,
Ils se vont rendre dans la mer,
Ce qui les fait bien renommer.
En cette île où terre nous prîmes,
Quelques sacrifices nous fîmes,
Où maint animal fut saigné
Comme on nous l’avait enseigné.
Nous vîmes la grasse campagne
Que la rivière Elore baigne,
Et de Pachin les hauts rochers,
Si connus de tous les nochers.
Près de là l’on voit Camerine,
Des champs des Géloëns voisine,
Et le lieu qu’on nomme Géla,
Pour un fleuve passant par là.
Nous vîmes la haute Agrigente,
Qui de si bons chevaux enfante,
Séline, fertile en palmiers,
Et les rocs, craints des nautoniers,
Du promontoire Lilybée,
Où mainte nef est absorbée.
Et puis Drepane me reçut,
Port funeste, où ma constance eut
A s’exercer de bonne sorte.
Quoique j’aie l’âme assez forte,
J’eus bien de la barbe à peler,
Et trouvai bien à qui parler.
Hélas ! j’y perdis mon bon père
(Souvenir qui me désespère) ;
Il mourut, le pauvre vieillard !
S’il eût voulu mourir plus tard,
Il aurait vécu davantage ;
Il mourut, et c’est grand dommage.
Il m’aimait, je l’aimais autant,
Et plus même qu’argent comptant.
Il mourut, et c’est tout vous dire.
Depuis on ne m’a point vu rire ;