Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/259

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Madame, je le connais bien,
Au nom de Dieu n’en faites rien :
C’est un esprit acariâtre,
Homme à vous battre comme plâtre,
Qui se ferait démarier,
Et lors vous auriez beau crier.
Chassez donc, si vous êtes sage,
De votre esprit ce mariage.
Cet homme n’est pas votre fait,
Et ce n’est pas pour cet effet
Qu’il a pris terre en cette côte.
Ne comptez donc plus sans votre hôte,
Et rayez-moi de vos papiers ;
Faites marcher vos ateliers,
Et m’oubliez, s’il est possible ;
Faisons-nous un adieu paisible,
De crainte de faire parler
Ceux qui nous verraient quereller.
Si j’étais encore mon maître,
Je resterais ici peut-être,
Mais aussi peut-être que non,
Car je vous le dis tout de bon,
Le plus grand souhait de mon âme
Ne va qu’à rebâtir Pergame
Et qu’à rendre Troie au Troyen.
Puis un Apollon Grynéen
Des saints oracles interprète,
Me voit souvent et me répète
Que je perds ici bien du temps,
Que les dieux n’en sont pas contents,
Qu’on parle au ciel de ma folie,
Qu’il faut que j’aille en Italie
Sans faire auprès de vous l’Adon ;
Car dites-moi, dame Didon,
Puisque vous êtes bonne et sage,
Voudriez-vous bien quitter Carthage ?
Vous seriez folle en cramoisi,
Ma bonne dame, pensez-y
Si j’allais mépriser la terre,
Où ma postérité par guerre