Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/288

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Où diable as-tu mis ta vertu ?
Pauvre femme, à quoi songes-tu ?
Oh ! comme sans te donner trêve
Ton rigoureux destin t’achève !
Qu’il eût bien fait de t’assommer,
Quand tu te mis à trop aimer,
Et que tu te donnas en proie,
Et ton sceptre, au prince de Troie !
Fiez-vous donc à ces pieux,
A ces gens qui baissent les yeux,
A cet homme de bien qui porte
Son vieil père à la chèvre morte,
Et qui sauve ses dieux du feu,
Afin de mieux couvrir son jeu !
Puisqu’ils ne sont qu’un contre quatre,
Ne pouvais-je pas les combattre,
Le prendre, et, l’ayant maltraité,
Le hacher en chair de pâté,
Et faire des capilotades
De tous ses maudits camarades ;
Et puis des membres rebondis
Du fils faire un salmigondis,
Le servir à table à son père,
Et puis, après la bonne chère,
Lui dire : "Malheureux goulu,
Ton chien d’estomac est pollu,
Et de ta propre géniture,
Glouton, tu t’es fait nourriture ! "
Mais, peut-être, de ton côté
La victoire n’eût pas été ;
Au pis aller j’y fusse morte,
Victorieuse ou non, qu’importe,
Puisque la victoire n’a pas
Pour Didon de fort grands appas !
Ou victorieuse ou vaincue,
Il faut toujours qu’elle se tue
Pour avoir commis le péché
De se donner à bon marché.
Et puis ma ruine, peut-être,
Pouvait causer celle du traître :