Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/416

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N’y songez donc pas davantage,
Pauvre fou, si vous êtes sage ;
Mais de moi vous allez ouïr
Ce qui vous pourra réjouir.
Les habitants de la contrée
Qui vous refusèrent l’entrée
En leur rivage discourtois
En ont depuis mordu leurs doigts.
Mille prodiges effroyables
Les ont rendus très misérables ;
Ils ont eu longtemps à prier.
Finalement, pour expier
Une si criminelle offense,
Ils vous ont mis avec dépense
Dans un pot de faïence ou grès
Qu’ils ont fait acheter exprès,
Et nommé le lieu Palinure,
Afin que la mémoire en dure"
L’espoir d’un si beau monument
Le satisfit aucunement :
Il mit fin à sa doléance,
Fit une basse révérence,
Et joignit les autres esprits.
Cependant le fils de Cypris,
Suivant sa vieille martingale,
Aborda la rive infernale.
Caron, le voyant approcher,
Ne manqua pas de se fâcher,
Et dit d’une voix enrhumée :
"Ombre, pour ces lieux trop armée,
Et pour la barque de Caron,
N’es-tu point quelque fanfaron
Qui, par quelque sotte gageure,
Viens ici faire une braveure ?
Si le brave fils d’Alcmèna,
Quoique vivant, se promena
Dans notre campagne Elysée ;
Si Pirithoüs et Thésée,
Faisant comme lui les fendants,
Y sont entrés malgré mes dents,