Page:Scarron - Le Virgile travesti, 1889.djvu/460

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L’astre qui la clarté nous darde
La reconnaissait pour bâtarde
Je ne sais pas où ni comment
Il l’engendra charnellement,
Lui qui par sa vertu féconde
Produit tant de choses au monde,
Non pas toujours de la façon
Que l’on produit fille ou garçon ;
Moins sais-je encor qui fut la mère
Qui put brûler ce brûlant père,
Mais je sais que d’un chaud pareil
A celui qui vient du soleil,
Les enchantements de la Fée
Pouvaient rendre une âme échauffée,
Et que ses yeux l’amour dardant
Brûlaient comme miroirs ardents.
Quand il lui venait à la tête
De faire d’un homme une bête,
En moins d’un Benedicite
Escamotant l’humanité,
Tel homme, bien fait par nature,
Prenait une horrible figure,
Se sentant enquadrupéder
Sans oser seulement gronder ;
Tel, de beau jouvenceau sans barbe,
Se voyait changer, non en barbe,
Non en genet des mieux appris,
Mais en timonier de bas prix ;
Tel se piquant de peau doucette
Se sentait en poils d’époussette
Tout son cuir douillet hérisser,
Et ses dents en crocs s’avancer,
Devenu pourceau porte-soie ;
Tel aussi devenait une oie
Que l’on plumait en la saison,
Pour les coussins de la maison ;
Tel était ours à rude patte,
Et tel le mari d’une chatte ;
Tel lion, loup ou léopard,
Eléphant, panthère ou renard,