Page:Schelling - Jugement sur la philosophie de M. Cousin, 1835, trad. Willm.djvu/45

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ples ne nous manqueraient pas. De même que certaines familles qui se séparent du reste de la société pour vivre entre elles, parmi d’autres singularités répulsives, finissent par affecter des expressions qui leur sont propres et qui ne sont intelligibles que pour elles seules, ainsi il en arriva aux Allemands en philosophie ; et plus, après quelques vains essais de répandre les idées de Kant au dehors, ils renoncèrent à se faire comprendre des autres nations, plus ils s’habituèrent à se regarder comme le peuple élu de la philosophie, oubliant que le but primitif de toute philosophie, but souvent manqué, mais qu’il n’en faut pas moins toujours poursuivre, est d’obtenir l’assentiment universel en se rendant universellement intelligible. Ce n’est pas à dire, sans doute, qu’il faille juger les œuvres de la pensée comme des exercices de style ; mais toute philosophie qui ne peut se faire comprendre de toutes les nations civilisées et être exprimée convenablement en toute langue, par cette raison seule ne saurait être la philosophie vraie et universelle. L’intérêt avec lequel les étrangers commencent à suivre la marche de la philosophie allemande, ne peut donc manquer de réagir favorablement sur elle-même. L’écrivain philosophique qui, il y a quelques dizaines d’années, ne pouvait s’écarter de la terminologie reçue et des formes consacrées sans s’exposer à passer pour un homme peu scientifique, pourra désormais se déli-