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CARLOS. Dieu me garde De me railler de l'homme redoutable Qui peut, à son gré, promettre le salut à mon père, Ou le damner ! DOMINGO. Je n'essayerai pas, Prince, de pénétrer L'auguste secret de votre chagrin. Seulement je prie votre altesse de vouloir Bien penser que l'Eglise, aux consciences inquiètes, Offre un refuge, Où les rois n'ont nul accès, Où les crimes mêmes sous le sceau Du sacrement restent ensevelis — Vous savez, prince, quelle est ma pensée ; j'en ai Dit assez. CARLOS. Non, loin de moi l'idée De soumettre le dépositaire à une telle tentation ! DOMINGO. Prince, cette méfiance — vous méconnaissez votre Plus fidèle serviteur. CARLOS
- lui prend la main.
Eh bien ! ne vous occupez plus De moi. Vous êtes un saint homme, Le monde le sait — mais, à parler franchement — pour moi Vous êtes trop accablé d'affaires. Votre route, Mon révérend père, est longue pour arriver jusqu'au siège pontifical. Trop de savoir pourrait vous embarrasser. Dites cela Au roi qui vous envoie ici.
DOMINGO. Qui m'envoie ici ?
CARLOS. Je l'ai dit. Oh ! je sais bien, Trop bien, qu'à cette cour Je suis trahi — je sais que cent yeux Sont payés pour m'observer, je sais Que le roi Philippe vendrait Au dernier de ses valets son fils unique, Et que chaque syllabe qui m'est surprise Est payée plus royalement Qu'aucune noble action ne l'a jamais été. Je sais — Oh ! silence ! rien de plus ! Mon cœur Demande à s'épancher, et j'en ai déjà Trop dit.
DOMINGO. Le roi a résolu D'être avant ce soir même de retour à Madrid. Déjà la cour se rassemble. J'ai L'honneur, prince —
CARLOS. Bien. je vous suis.
- (Domingo sort après un moment de silence.)
Père digne de pitié, que ton fils Est digne de pitié ! — Déjà je vois ton cœur Saigner de la morsure envenimée du soupçon ; Ta malheureuse curiosité court au-devant De la plus effroyable découverte, Et tu seras furieux quand tu l'auras faite.