Page:Schopenhauer - Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1880, trad. Cantacuzène.djvu/313

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pitre 41. [Car, quelque longtemps que l’on vive, l’on ne possède rien au delà du présent indivisible ; mais le souvenir perd, chaque jour, par l’oubli plus qu’il ne s’enrichit par l’accroissement.[1].]

La différence fondamentale entre la jeunesse et la vieillesse reste toujours celle-ci : que la première a la vie, la seconde la mort en perspective ; que, par conséquent, l’une possède un passé court avec un long avenir, et l’autre l’inverse. Sans doute, le vieillard n’a plus que la mort de-

    finissent par l’euthanasie, c’est-à-dire qu’ils meurent sans maladie, sans apoplexie, sans convulsion, sans râle, quelquefois même sans pâlir, le plus souvent assis, principalement après leur repas : il serait plus exact de dire qu’ils ne meurent pas, ils cessent de vivre seulement. À tout autre âge antérieur à celui-là, on ne meurt que de maladie, donc prématurément. — Dans l’Ancien Testament (Ps. 90, 10), la durée de la vie humaine est évaluée à 70, au plus à 80 ans ; et, chose plus importante, Hérodote (I, 32, et III, 22) en dit autant. Mais c’est faux et ce n’est que le résultat d’une manière grossière et superficielle d’interpréter l’expérience journalière. Car, si la durée naturelle de la vie était de 70-80 ans, les hommes entre 70 et 80 ans devraient mourir de vieillesse ; ce qui n’est pas du tout : ils meurent de maladies, comme leurs cadets ; or la maladie, étant essentiellement une anomalie, n’est pas la fin naturelle. Ce n’est qu’entre 90 et 100 ans qu’il devient normal de mourir de vieillesse, sans maladie, sans lutte, sans râle, sans convulsions, parfois sans pâlir, en un mot d’euthanasie. — Sur ce point aussi, l’Oupanischad a donc raison en fixant à 100 ans la durée naturelle de la vie. (Note de Schopenhauer.)

  1. J’ai cru devoir mettre en italiques et entre crochets [ ] ces quelques lignes, parce qu’elles ne se rapportent en aucune façon à ce qui précède immédiatement ; le lecteur a pu remarquer que le même cas s’est présenté plusieurs fois déjà dans le cours du volume, notamment au chapitre 5. Cela s’explique très facilement si l’on admet que ce sont là des intercalations plus ou moins heureusement pratiquées par M. Frauenstaedt (éditeur des éditions postérieures à la 1re), à qui Schopenhauer a légué ses manuscrits et ses nombreuses notices. Je suis, d’autant plus porté à croire mon explication la vraie, que des personnes autorisées, entre autres M. de Gr…ch, m’ont affirmé que la 1re édition ne contient aucune de ces incohérences ni de ces trop fréquentes redites, dans des termes presque identiques, que l’on peut également constater. Pour ma part, malheureusement, je n’ai eu sous les yeux, comme texte pour la traduction, que les 2e et 3e éditions. (Note du traducteur.