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CHAPITRE XXV
CONSIDÉRATIONS TRANSCENDANTES SUR LA VOLONTÉ COMME CHOSE EN SOI


Le simple examen empirique de la nature suffit à reconnaître, de la manifestation la plus rudimentaire et la plus nécessaire de toute force naturelle générale, jusqu’à la vie et à la conscience de l’homme, une transition constante, par degrés insensibles, aux limites toutes relatives et presque toujours flottantes. En poursuivant cette idée, par une réflexion plus pénétrante et plus profonde, on ne tarde pas à se convaincre que l’essence intime de tous les phénomènes, ce qui se manifeste et apparaît en chacun d’eux, est un élément toujours un et identique, qui se détache avec une netteté de plus en plus grande : ce qui se montre donc dans les millions de figures variées à l’infini, et ce qui nous offre ainsi le spectacle le plus confus et le plus baroque sans commencement ni fin, c’est cet élément unique, caché derrière tous ces masques et recouvert d’un voile si épais, qu’il arrive à ne plus se reconnaître lui-même et à se traiter souvent lui-même non sans dureté. Aussi la grande doctrine de l’εν και παν a-t-elle apparu de bonne heure, en Orient comme en Occident, et n’a-t-elle jamais cessé de se maintenir ou du moins de se renouveler en dépit de toutes les oppositions. Mais nous sommes maintenant déjà plus intimement initiés à ce mystère : les recherches précédentes nous ont conduit à admettre que, partout où cette essence située au fond de tous les phénomènes est accompagnée, en quelqu’un d’entre eux, d’une conscience connaissante, qui, dirigée vers l’intérieur, devient la conscience intime, partout cette essence se révèle à la conscience comme étant cette faculté si familière et si mystérieuse, désignée du mot de volonté. En conséquence, nous avons donné à cette essence première et universelle de tous les phénomènes le nom de la manifestation dans laquelle elle se dévoile à nous le plus franchement, le nom de volonté ; et ce terme, loin de représenter à nos yeux un x inconnu, indique au contraire ce qui, par un côté du moins, nous est infiniment plus connu et plus familier que tout le reste.

Rappelons-nous maintenant une vérité, dont la démonstration détaillée et complète se trouve dans mon mémoire sur La liberté de la volonté : c’est qu’en vertu de la valeur absolue de la loi de causa-