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CHAPITRE XLIII
HÉRÉDITÉ DES QUALITÉS


En se combinant dans l’acte de la génération, les germes apportés par les parents reproduisent non seulement les particularités de l’espèce, mais encore celles des individus ; c’est ce que, pour les qualités corporelles (objectives, externes), l’expérience journalière nous enseigne, et ce n’est pas d’aujourd’hui qu’on a dit en le reconnaissant :

Naturæ sequitur semina quisque suæ.
_________________________Catulle.

Ce principe vaut-il aussi pour les qualités spirituelles (subjectives, internes), et celles-ci sont-elles à leur tour un héritage légué aux enfants par les parents ? C’est là une question bien souvent posée et presque toujours, en général, résolue par l’affirmative. Mais il est un problème plus difficile : est-il possible de distinguer ce qui dans ce mélange revient au père et à la mère, et ainsi quelle part d’héritage intellectuel nous tenons de chacun de nos parents ? Considérons maintenant ce problème à la lumière de notre principe fondamental, que la volonté est l’être en soi, l’essence et la racine de l’homme ; l’intellect au contraire, l’élément secondaire et adventice, l’accident de cette substance : avant d’avoir consulté l’expérience, nous tiendrons alors au moins pour vraisemblable que, dans la génération, le père, en qualité de sexus potior et de principe créateur, fournit la base, la racine de la nouvelle vie, c’est-à-dire la volonté, et la mère, en tant que sexus sequior et principe purement destiné à concevoir, l’élément secondaire, l’intellect. L’homme ainsi hériterait de son père ses qualités morales, son caractère, ses penchants, son cœur, et de sa mère au contraire son intelligence, avec le degré, la nature, la direction qu’elle comporte. Cette hypothèse trouve une confirmation réelle dans la pratique, sauf qu’au lieu de se déterminer sur une table d’expériences comme en physique, cette vérification résulte en partie d’observations longues et nombreuses, faites avec un soin délicat, et en partie aussi de témoignages historiques.

L’expérience personnelle a la supériorité de la certitude complète