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LE DESTIN DE L’INDIVIDU

couvre alors une œuvre d’art ayant ses fondements assurés et portée à sa perfection. Et cependant, auparavant, lorsqu’elle était à même de se faire, cette vie, comme tout autre œuvre qui n’est qu’ébauchée, ne laissait reconnaître souvent ni plan, ni but. Quand elle est terminée, au contraire, et qu’on la considère attentivement, il faut bien alors voir dans toute existence comme l’œuvre de la prévoyance la plus haute, de la sagesse et de la constance. Quant à l’importance qu’elle peut avoir, comme ensemble, cela dépend de la question si le sujet lui-même est un sujet ordinaire ou extraordinaire. De ce point de vue on pourrait en venir à la pensée très transcendante que ce monde des phénomènes, où règne le hasard, pourrait avoir pour substrat généralement et partout un mundus intelligibilis qui, lui-même, dominerait le hasard. — La nature, il est vrai, fait tout seulement pour l’espèce, et elle ne fait rien seulement pour l’individu ; parce que, pour elle, l’espèce est tout et l’individu rien. Mais ce que nous supposons qui agit ici, ce ne serait pas la nature, ce serait le métaphysique, qui dépasse la Nature, qui existe tout entier et indivisible dans tout individu, pour lequel, par suite, l’individu vaut le Tout.