J’enroulais les boucles de ses cheveux, et quand elle
parlait plus passionnément, je pressais son front brûlant
et écartais amoureusement les mèches qui tombaient
presque jusqu’à ses yeux. Je voulais lui faire
comprendre que mon éducation n’était pas complète
sans la pratique. Elle me racontait comment elle
s’était abandonnée pour la première fois à ce jeune
homme qui l’avait rendue mère. Elle voulait me faire
comprendre la sensation divine que cause l’amour
partagé. Elle me parlait de l’extase, de l’effusion
réciproque et plénière ; toutes ces belles choses la rendaient
éloquente. Sa petite bouche se gonflait et s’entr’ouvrait,
découvrant ses dents blanches et bien rangées.
L’instant était venu de lui rappeler encore plus
vivement ces choses. Et comme elle disait : « Il faut
avoir goûté personnellement ces choses pour les comprendre »,
je lui fermai la bouche avec ma main
grande ouverte, si bien qu’elle poussa un grand soupir
et se tut immédiatement. Je caressais fiévreusement
le front élégant qui résistait à ma main, quand je
m’arrêtai tout à coup et lui dis : « Si vous voulez que
je continue, vous devez me procurer un avant-goût
de ce qui m’attend et de ce que vous m’avez si délicieusement
décrit ! » Aussitôt, elle me caressa gentiment
comme je faisais, et je vis à la chaleur de ses
baisers que ma proposition lui faisait le plus vif
plaisir. Elle ôta ma main de sa bouche et m’embrassa
avec toutes sortes de câlineries, de chatteries
qui tenaient à la fois de la sœur et de
l’amie, et que je ne savais pas bien lui rendre, car
Page:Schröder-Devrient - L’Œuvre des Conteurs Allemands - Mémoires d’une chanteuse Allemande, 1913.djvu/54
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
MÉMOIRES D’UNE CHANTEUSE ALLEMANDE