Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/167

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menu avec du persil et de la ciboule, ou liés avec de succulents épinards ? aimerez-vous mieux les humer crus, tout tièdes ? — ou enfin daignerez-vous goûter un sublimé nouveau de ma composition où les œufs ont si bon goût, qu’on ne les reconnaît plus, — c’est d’un délicat, d’un éthéré, — une vraie dentelle…

— Rien, rien, dit le roi. Il me semble que vous m’avez dit là, si je ne me trompe, quarante manières d’accommoder les œufs. Mais je les connais, mon cher Fripesaulcetus — vous me les avez fait goûter pendant tout le carême. Trouvez-moi autre chose. » Le ministre, désolé, voyant que les affaires de l’intérieur allaient si mal, se frappa le front pour chercher une idée — mais ne trouva rien.

Alors, le roi, maussade, fit appeler son magicien. Le nom de ce savant était Nébuloniste, si j’ai bonne mémoire ; mais le nom ne fait rien à l’affaire. C’était un élève des mages de la Perse ; il avait digéré tous les préceptes de Zoroastre et de Chakyâmouni, il était remonté au berceau de toutes les religions et s’était pénétré de la morale suprême des gymnosophistes. Mais il ne servait ordinairement au roi qu’à lui tirer les cartes.

« Sire, dit Nébuloniste, il ne faut faire apprêter vos œufs d’aucune des manières qu’on vous a dites ; mais vous pouvez les faire couver.

— Pardieu, répondit le roi, voilà une bonne idée : au moins je n’en mangerai pas. Mais je ne vois pas bien pourquoi.