Page:Schwob - Cœur double, Ollendorff, 1891.djvu/191

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la chambre, un frôlement de deux corps, des gémissements, quelques cris aigus, et un long souffle d’épuisement. Le vieux se leva à tâtons, prit le filet en poche, le lança, et, tirant soudain dans leur glissière les planches où s’était couchée la vendeuse d’ambre, il découvrit l’ouverture qui servait à la pêche de nuit. Ce fut un engouffrement, deux chutes, un bref clapotis : le copeau de résine, allumé, agité au-dessus du trou d’eau ne laissa rien voir. Alors le vieux saisit le panier d’ambre, et, sur le lit du fils aîné, ils se divisèrent le trésor, la femme quêtant les grains qui roulaient, épars.

Ils ne tirèrent le filet qu’au matin. Ils coupèrent les cheveux au cadavre de la vendeuse d’ambre, puis rejetèrent son corps blanc sur les pilotis, en pâture aux poissons. Quant au noyé, le vieux lui enleva de son couteau de silex une rondelle du crâne, amulette qu’il enfonça dans le cerveau du mort pour lui servir pendant sa vie future. Puis ils le déposèrent hors de la hutte, et les femmes se déchirant les joues et s’arrachant les cheveux, poussèrent les ululations solennelles.